Maladie génétique héréditaire, la rétinite pigmentaire touche environ 40.000 personnes en France et un million et demi dans le monde. Aujourd’hui, seul un traitement palliatif existe. Il s’agit de donner, à vie, de la vitamine A aux malades. Mais cette prescription reste contre-indiquée chez les fumeurs. Cette pathologie est caractérisée par une perte de la vision qui survient dès que le jour commence à tomber. Puis la maladie évolue et la vision se «rétrécit» : le sujet a le sentiment d’être dans un tunnel. Au fil des ans, ce dernier rétrécit de plus en plus et le malade perd souvent définitivement la vue. Si les hommes sont généralement plus touchés que les femmes et si la maladie se manifeste plus souvent à l’adolescence, la rétinite pigmentaire peut également se développer dès la naissance et mettre une quinzaine d’années à dégénérer.
Les travaux (dont les résultats sont publiés dans la revue américaine Science) des chercheurs suisses du Friedrich Miescher Institute et ceux des équipes du Pr José-Alain Sahel et du Dr Serge Picaud de l’Institut de la vision à Paris, vont peut-être donner un espoir aux personnes atteintes de rétinite pigmentaire. Grâce à la thérapie génique, ils viennent en effet de rendre la vue à des souris malades et leurs résultats ont été confirmés ex vivo sur des cultures de tissus humains.
Dans cette pathologie, les lésions touchent les photorécepteurs sensibles à la lumière. Il s’agit de neurones spécifiques qui convertissent la lumière en impulsions nerveuses. Ces dernières sont ensuite traitées par la rétine et envoyées au cerveau par des fibres nerveuses. Or il existe deux types de photorécepteurs : les bâtonnets et les cônes. La progression de la maladie conduit d’abord à la dégénérescence des photorécepteurs à bâtonnets, responsables de la vision de nuit. Dans un second temps, ce sont les photorécepteurs à cônes, responsables de la vision diurne, qui se trouvent affectés. Mais alors que les bâtonnets sont détruits, les cônes, devenus non fonctionnels, survivent longtemps dans l’organisme, et ce, même après la survenue de la cécité.
Cette découverte est importante car jusqu’à présent, les scientifiques pensaient le contraire. «En fait, les cônes ne meurent pas mais ne fonctionnent plus , résume le Pr Sahel, professeur d’ophtalmologie à Paris-VI et directeur de l’Institut de la vision. Pour le dire autrement, l’œil malade est semblable à une voiture pleine d’essence pourvue d’un moteur, de roues. Tout est là mais il manque la clé de contact.» La question était alors de savoir comment réactiver les cônes «dormants».
Ernst Bamberg, un chercheur du Max Planck Institute à Francfort, a identifié, avec son équipe, des protéines sensibles à la lumière et qui génèrent en réponse un signal électrique. Puis les chercheurs ont réussi à utiliser ce processus sur les cellules restantes sur les cônes des souris. Autrement dit, ils ont réussi à les «rebrancher». Pour y parvenir, ils ont introduit, via un vecteur de thérapie génique, des protéines dans les cônes grâce à des injections intra-oculaires sous la rétine. L’objectif était de recréer un système photoélectrique biologique. Le résultat a pu être observé un mois plus tard : les souris voyaient et ce, durablement.
La question est maintenant de savoir si ces travaux menés sur les souris sont transposables à l’homme. Des études ont déjà été menées avec succès sur des rétines prélevées sur des morts. «Ces travaux posent les bases d’un futur essai clinique qui se déroulera en France, aux Quinze-Vingts à Paris, dans trois à cinq ans, estime le Pr Sahel. D’abord nous devons bien vérifier qu’il n’est pas dangereux pour les cellules de l’œil humain d’y introduire des protéines.» Au début, les tests seront effectués sur une vingtaine de patients avant de les pratiquer sur des cohortes plus importantes