Sur le plan de l’affect politique, c’est un discours choc qui restera dans les annales comme un des plus importants dans les relations entre l’Algérie et le Maroc . Un tournant est ainsi pris. Une nouvelle et grande perspective est ainsi tracée, celle de la réconciliation totale entre Alger et Rabat , celle de la pacification absolue des esprits que des décennies de tensions et d’escarmouches ont paralysé.
La main généreusement tendue au régime algérien par Mohammed VI n’est pas nouvelle. Le Roi du Maroc avait déjà eu l’occasion à plusieurs reprises de faire part de la nécessité de dépasser les malentendus entre les deux pays pour le bien des deux peuples . Cela a toujours été sa conviction depuis son accession au Trône.
Mais aujourd’hui Mohammed VI formule cette indispensable réconciliation avec des arguments qui résonnent à la fois dans les esprits et les intelligences et qui envahissent aussi les cœurs.
Cette harangue royale à rouvrir sans conditions les frontières, dont les raisons initiales de fermeture sont dépassées par l’époque, intervient alors que les escalades politiques et médiatiques entre les deux pays avaient atteint une dangereuse crête. Devant cet inquiétant état de fait, Mohammed VI abat avec justesse et pertinence la carte de la raison. Celle de la sécurité collective qu’impose la géographie et l’histoire. Cette phrase prononcée par le souverain résonnera intensément : « Nous considérons que la sécurité et la stabilité de l’Algérie, et la quiétude de son peuple sont organiquement liées à la sécurité et à la stabilité du Maroc ».
Et d’ajouter, « corollairement, ce qui touche le Maroc affecte tout autant l’Algérie ; car les deux pays font indissolublement corps ».
Dans ce discours lucide, volontaire et déterminé , Mohammed VI interpelle ouvertement la présidence algérienne et lui tend la main pour tourner cette triste page et écrire une nouvelle histoire. Pour convaincre les réticents, le souverain marocain a aussi affirmé que contrairement à certaines allégations politiciennes dont l’usage malveillant est manifeste, aucun mal en provenance du Maroc n’atteindra l’Algérie car « le Maroc (…) n’est nullement un danger ou une menace pour vous. En fait, ce qui vous affecte nous touche et ce qui vous atteint nous accable ».
Dans ce discours du Trône, dont une partie était consacrée à la relation avec l’Algérie, le souverain a déployé toutes les gammes de persuasion. Du destin commun entre les deux peuples, passant par leur sécurité collective jusqu’aux immenses opportunités économiques que permettra la normalisation de leurs relations et l’ouverture de leurs frontières .
Si un large écho et une grande résonance sont promis à ce discours au sein de l’opinion algérienne qui ne peut rester indifférente à l’argumentation royale , Il n’est pas acquis que la junte militaire qui dirige le pays puisse réagir favorablement à cette main tendue encore une fois par Mohammed VI.
Le Roi du Maroc a lancé la balle dans le camp algérien. Il prend à témoin aussi bien le peuple algérien, marocain que la communauté internationale.
Et toute la question qui taraude les esprits aussi bien au Maghreb qu’en Europe est la suivante : le président algérien nommément invité par le Roi du Maroc à une rencontré à sa convenance aura-t-il l’intelligence de situation de saisir cette précieuse perche tendue et permettre à une nouvelle dynamique régionale de se déployer ? Ou continuera-t-il à s’enfermer dans un autisme politique qui obère les chances des peuples de la région de vivre et de coopérer ensemble ?
Aujourd’hui apparaît devant le monde un tableau à la vision claire. Un pays, Le Maroc qui tente de dépasser les malentendus, de réaliser les rêves légitimes des populations, de sceller les destins communs et un autre l’Algérie, dirigée par une régime militaire qui se tâte, qui hésite et dont on s’interroge sur la nature des réponses qu’il va donner à cette invitation royale. Ou il l’accepte et ouvre la voie à une nouvelle ère ou il la refuse et continuera à assumer devant l’histoire la responsabilité morale des échecs, des paralysie et des frustrations économiques d’une région de plus de 100 millions d’habitants qui voit ses énergies dépérir dans des combats aussi futiles que d’arrière gardes.