Marine Le Pen, de l’excitation idéologique à « l’apaisement » politique

De l’avis général, Marine Le Pen tente de présidentialiser son image et sa posture. Elle veut cueillir les fruits d’une stratégie lancée depuis sa prise de fonction à la tête du Front National à la place de Jean Marie Le Pen. Sortir le parti du cercle satanique et diabolisé dans lequel les envolées xénophobes et antisémites l’avaient enfermé, telle était l’ambition ouvertement affichée de la nouvelle icône de l’extrême droite. D’où le changement de style, de langage, à la recherche d’une respectabilité. Ce tournant ne se passa pas sans tensions ni grincements.

Cette bataille fut triomphalement emportée par Marine Le Pen. Et les performances électorales, et les sondages et la faible réaction de ses adversaires au sein du parti ont été considérés comme la preuve vivante de sa victoire. Le Front national a commencé à rêver de vive voix de l’Elysée à l’occasion de la conjonction de deux facteurs. Le premier est la vague d’immigration subie par les territoires européens en provenance de Syrie et de Libye qui eut pour conséquences immédiates de donner corps à l’argumentaire traditionnellement critique du Front National sur la thématique de l’immigration. Le second facteur qui a remis le discours de l’extrême droite au centre de la vie politique française fut la vague violente de terrorisme qui a frappé la France et l’Europe ces derniers mois.

Conséquence immédiate, le discours sécuritaire est devenu l’alpha et l’oméga du spectre politique français. Les autres forces politiques, la gauche au gouvernement incarnée par François Hollande et la droite classique dans l’opposition menée par Nicolas Sarkozy, ont été mis dans l’obligation d’adapter les thérapies sécuritaires à celles que propose le Front National.

Ce qui a donné cette impression de rentrer dans une logique de surenchère politique. Le résultat politique le plus parlant aujourd’hui de cette séquence est que l’hypothèse de l’arrivée de Marine Le Pen au pouvoir est de plus en plus plausible et envisageable. Sa qualification au second tour de la prochaine présidentielle en tout cas ne fait aucun doute chez tous les instituts de sondages. Signe des temps et de la normalisation de l’extrême, Le jadis ‘monstrueux" Front National, "xénophobe" et "antisémite" ne fait plus peur. Bien au contraire pour beaucoup de Français, il commencer à incarner une vraie alternative.

Mais cette posture ne passera pas sans dégâts. Marine Le Pen aspire selon ses propres termes à être "la candidate du peuple et ambitionne d’instaurer "une France apaisée". Ce à quoi la droite traditionnelle qui braconne sur les terres du FN répond avec sarcasme :" Quand j’entends Mme Le Pen nous expliquer qu’avec elle, la France sera apaisée, c’est ce qu’on appelle un oxymore", une figure de style consistant à rapprocher deux termes contraires" selon les termes d’un proche de Nicolas Sarkozy. Tandis que François Fillon a tenu à tacler ce que certains perçoivent comme de "la modération" chez Marine Le Pen. Selon lui, cette modération n’est qu’une construction avec des communicants, loin de la réalité du Front National qui pousse à la haine".

De l’excitation idéologie à l’apaisement politique, tel semble être le tournant que le Front National vient de prendre sous la direction de Marine. La question qui taraude tous les observateurs est la suivante: Marine Le Pen aura-t-elle les ressorts indispensables pour faire oublier l’héritage de son parti et convaincre qu’il ne s’agit nullement d’une opération de chirurgie esthétique? Par définition provisoire et qui cache les véritables intentions d’un parti ouvertement xénophobe et foncièrement communautariste ?