Son intervention a été accueillie par les vivats de la foule qui l’écoutait en direct sur plusieurs lieux de rassemblement, avant que ne retentisse l’hymne national repris à pleins poumons par les manifestants.
Des feux d’artifice ont été aussitôt tirés dans Beyrouth tandis que des voitures sillonnaient la ville tous klaxons hurlants en signe de victoire.
M. Hariri, 49 ans, a indiqué qu’il allait se rendre au palais présidentiel de Baabda pour présenter cette démission décidée "face à la volonté de nombreux Libanais qui sont descendus dans la rue pour réclamer le changement".
Lors d’une très brève allocution télévisée, il a appelé "tous les Libanais à privilégier l’intérêt du Liban (…) à protéger la paix civile et à prévenir toute détérioration de la situation économique".
– Situation tendue –
Après une révolte populaire inédite dans l’histoire du pays, les manifestants ont ainsi obtenu gain de cause sur une de leur principale revendication. Mais leur colère vise plus globalement l’ensemble de la classe politique jugée unanimement incompétente et corrompue.
"Tous cela veut dire tous", a d’ailleurs de nouveau scandé la foule après l’annonce de M. Hariri.
Le pays est quasiment paralysé depuis près de deux semaines par des barrages routiers qui bloquent les principales entrées de la capitale. Banques, écoles et université sont fermées.
Trente ans après la guerre civile (1975-1990), la population souffre toujours de pénuries chroniques d’eau et d’électricité. Plus d’un quart de la population vit sous le seuil de pauvreté et le pays figure parmi les plus corrompus du monde.
M. Hariri avait annoncé le 21 octobre un plan de réformes, qui n’avait pas convaincu: mesures contre la corruption, budget sans nouveaux impôts, programme de privatisations pour lutter contre le dysfonctionnement des services publics, aides en faveur des plus défavorisés…
Selon la presse, les capitales occidentales, notamment Paris et Washington, étaient intervenues auprès de M. Hariri pour lui demander de rester à son poste, au nom de la stabilité.
La colère populaire avait explosé le 17 octobre après l’annonce d’une nouvelle taxe sur les appels via la messagerie WhatsApp. La rapide annulation de la mesure n’a pas empêché la révolte de gagner l’ensemble du pays, de Tripoli au nord à Tyr au sud.
La démission de M. Hariri intervient alors que la situation s’était tendue ces derniers jours malgré des rassemblements restés globalement festifs.
– Heurts à Beyrouth –
Juste avant son discours, des heurts avaient éclaté à Beyrouth où des dizaines d’assaillants ont détruit les tentes érigées par les manifestants, prenant des chaises pour projectiles et attaquant avec des bâtons les manifestants qui n’avaient pas fui à leur approche.
La police avait déjà dû intervenir brièvement dans la matinée sur un pont autoroutier pour stopper des échauffourées impliquant des partisans du Hezbollah pro-iranien.
Les manifestants avaient réussi dimanche une démonstration inédite de force et d’unité en formant une chaîne humaine du nord au sud du pays, sur 170 km de long.
La presse y a vu le symbole d’une mobilisation sans précédent, par son ampleur et son harmonie, dans l’histoire du Liban.
Durant tout le soulèvement, les manifestants ont privilégié les mêmes slogans: "Révolution, révolution!, "Tous, cela veut dire tous", et "Le peuple veut la chute du régime".
L’actuel gouvernement est le troisième dirigé par M. Hariri à tomber, depuis son accession au pouvoir en 2009.
Longtemps soutenu par l’Arabie saoudite, il est le fils du milliardaire et ancien Premier ministre Rafic Hariri assassiné en 2005.