La communication officielle sur la question aura été d’un amateurisme affligeant qui culmine avec ces montages vidéo qui montrent ce qu’ils veulent cacher. Cela met le citoyen ou l’observateur dans un état de malaise, contraint qu’il est d’aller chercher, par lui-même, derrière l’expression maladroite et factice du pouvoir, de “l’entourage” et de… “sources”, les signes qui l’informerait sur le véritable état de santé du Président. L’exercice n’est pas des plus aisés quand on n’a pas l’étoffe du paparazzi.
Mais il y a encore plus dérangeant. Il est dans cet acharnement à vouloir convaincre, d’abord, d’un accident bénin sans conséquences, ensuite d’une guérison à brève échéance, enfin d’un rétablissement à plus long terme, avant que la suite des événements ne révèle que les messages des officiels n’étaient qu’une suite d’incantations de guérisseurs. Il est aussi dans cet obstination à vouloir imposer l’idée que, dans ce contexte, le Président remplit convenablement, indéfiniment et à distance, sa mission constitutionnelle.
Oh ! Les décisions se prennent, bien sûr, le pouvoir algérien ne s’étant jamais embarrassé de la contrainte procédurale. Juste un peu de forme pour les décisions et actions qui ont un destin public. Parce que le monde nous regarde. Sinon, il n’y a pas de raison qu’il se mette, au moment où il a le plus besoin de fonctionner à l’informel, à se faire tatillon sur le respect de la règle de fonctionnement. L’Algérien ne s’en cache pas : instruit des réalités du phénomène d’influence, des épreuves de forces entre institutions, de la sociologie clanique du pouvoir, il s’est toujours douté du fait que la réalité de la décision n’épouse pas le circuit du schéma institutionnel. Les choses marchaient donc et les décisions se prenaient, c’est certain… Au rythme national.
Après tout, jusqu’ici, ce n’était pas la frénésie créatrice et bâtisseuse dans le pays.
À force d’insister sur sa forme, le pouvoir va finir par nous convaincre que ce serait l’inactivité ou l’absence du Président qui pose problème. Et nous faire oublier que le pays est sanctionné, et épuisé, au sens littéral du terme, par le régime Bouteflika. Il en a souffert au temps de son activisme exalté ; il en souffre encore maintenant.
Dans une Algérie en panne de développement, livrée à la corruption, à la contrebande, au commerce informel, au déclin scolaire, à l’étouffement bureaucratique, à la régression
culturelle et la régence islamiste, le pays a besoin de se poser la question de son avenir. Peut-il continuer à servir de butin à des tribus se partageant, ou se disputant, les prébendes jusqu’à sa désertification totale, ou bien veut-il, cette fois-ci, enfin, se concevoir un destin de nation libérée de la prévarication clanique et projetée dans le futur ?