Le navire Open Arms bloqué face à Lampedusa, malgré un accord de l’UE

Le navire de l’ONG espagnole Proactiva Open Arms a pu débarquer une poignée de migrants, mais restait à l’ancre vendredi à quelques centaines de mètres du port de l’île italienne de Lampedusa, dans l’attente de la concrétisation d’un accord de répartition européen.

Une dizaine de personnes ont été évacuées d’urgence du navire pour des soins médicaux, dans la nuit de jeudi à vendredi, a indiqué l’ONG. Il reste désormais 134 migrants, à bord depuis deux semaines.

"Toutes les personnes à bord ont besoin de débarquer urgemment, par humanité", insiste Open Arms, qui ne compte toutefois pas réaliser un débarquement en force.

Six pays de l’UE se sont dits prêts jeudi à accueillir chacun une partie des migrants de l’Open Arms mais le ministre italien de l’Intérieur, Matteo Salvini, refuse pour l’instant de les laisser débarquer.

"La Commission a eu des contacts intensifs au cours de la semaine écoulée et nous sommes très reconnaissants de la coopération de la France, l’Allemagne, le Luxembourg, le Portugal, la Roumanie et l’Espagne", a commenté vendredi une porte-parole, Vanessa Mock.

"Une situation où des personnes sont bloquées en mer pendant des jours et des semaines est intenable", a-t-elle estimé, en soulignant que "toute l’Europe" devait trouver des solutions pour pouvoir faire débarquer "rapidement" les migrants secourus.

L’accord européen ne concerne cependant pas les 356 migrants secourus par l’Ocean Viking, le navire de SOS Méditerranée et Médecins sans frontières (MSF), qui navigue au ralenti à mi-chemin entre Malte et Lampedusa, interdit de s’approcher des eaux territoriales de l’une comme de l’autre.

"Encore une fois, mes homologues européens nous tendent la main", s’était félicité jeudi le chef du gouvernement italien Giuseppe Conte, dans une lettre ouverte très acrimonieuse adressée au ministre de l’Intérieur Matteo Salvini (qui réclame depuis une semaine sa destitution et des élections dès octobre).

M. Conte a critiqué la "concentration obsessionnelle" de M. Salvini sur le thème de l’immigration "réduite à la formule +ports fermés+".

Le chef du gouvernement italien a précisé qu’il s’était battu pour "un mécanisme européen" qui serait "presque automatique" pour répartir au sein de l’UE les migrants secourus en mer, alors que les pays en première ligne comme l’Italie, la Grèce et l’Espagne dénoncent depuis des années l’indifférence de leurs voisins.

"Mon obsession est de combattre tous les types de délit, y compris l’immigration clandestine. Je suis ministre pour défendre les frontières, la sécurité, l’honneur, la dignité de mon pays", lui a rétorqué jeudi par écrit M. Salvini.

"Avec moi les ports sont et resteront fermés aux trafiquants et à leurs complices étrangers", a insisté le ministre italien. "Et il est clair que sans cette fermeté, l’Union européenne n’aurait jamais levé un petit doigt, laissant l’Italie et les Italiens seuls".

Salvini affaibli

Le pouvoir de Matteo Salvini, chef de La Ligue (extrême droite) et vice-Premier ministre, se trouve néanmoins affaibli depuis qu’il a fait voler en éclat le 8 août son alliance gouvernementale, formée depuis 14 mois avec le Mouvement Cinq Etoiles (M5S, anti-système). Le sort du navire Open Arms en était l’illustration jeudi.

Deux ministres issus du M5S, Elisabetta Trenta (Défense) et Danilo Toninelli (Transports), ont refusé jeudi de contresigner le dernier décret interdisant les eaux italiennes à l’Open Arms, édicté par M. Salvini après la suspension mercredi par un tribunal administratif d’un premier décret similaire.

Sans leurs deux signatures, le décret de M. Salvini est sans effet.

M. Salvini est crédité de 36 à 38 % d’intentions de vote et sa ligne dure sur les migrants clandestins est l’un des facteurs de cette popularité. Mais face à son insistance pour des élections au plus vite, un front politique semble en train de se former contre lui, par le biais inattendu d’une alliance entre son ex-partenaire M5S et le Parti démocrate (centre gauche).

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