« Le harcèlement sexuel est monnaie courante » dans le milieu politique

dans une affaire de mœurs aux Etats-Unis, Dominique Strauss-Kahn fait la Une des journaux depuis 48 heures. Peu de médias s’intéressent à sa victime présumée : une femme de chambre de l’hôtel Sofitel de New York. Pour leJDD.fr, la porte-parole de l’association féministe Mix-Cité*, Béatrice Gamba, revient sur cette différence de traitement. « Souvent la culpabilité se retourne contre la victime, ce qui est quand même un comble », assure-t-elle.

Que vous inspire l’affaire DSK ?
Nous ne nous positionnons pas sur la culpabilité ou non de Dominique Strauss-Kahn, car nous n’avons pas tous les éléments pour le faire. En revanche, ces derniers jours, on a beaucoup parlé du "goût" de DSK pour les femmes, comme si elles étaient des "choses" interchangeables. Mais ce qui est assez remarquable aujourd’hui, c’est la confusion totale entre le fait d’avoir des relations sexuelles avec des femmes – ce que nous n’avons pas à juger, que ce soit extraconjugal ou non – et le fait qu’il y ait consentement ou pas. Toute la différence est là ! En soit, draguer n’a rien de répréhensible, avoir envie de coucher avec quelqu’un non plus. Mais se passer du consentement d’une femme, c’est tout autre chose. Le viol ou l’agression sexuelle n’ont rien à voir avec une relation sexuelle. C’est un acte de domination, d’humiliation sur le corps d’une femme.

On parle beaucoup de DSK, et pas assez de la victime présumée selon vous?
Cette histoire est assez révélatrice. La plaignante a le tort d’être à la fois une femme, noire et d’exercer le métier de femme de chambre, c’est-à-dire avec un statut social de dominé. Elle accumule beaucoup de handicaps et je pense, consciemment ou pas, que les gens veulent la rendre à son invisibilité. Les femmes de chambre sont par nature invisibles. Là, d’un seul coup, elle s’affirme, sa parole prend de l’importance. Pour beaucoup, cela n’est pas tolérable. Quelqu’un de dominé doit rester à sa place. C’est aussi pour ça que sa parole est tout le temps remise en cause. Après, même si la victime supposée était une collègue de DSK au FMI, sa parole aurait été amoindrie. Elle aurait par contre peut-être bénéficié à mon sens d’un peu plus de respect.

Certains s’étonnent que cette femme n’ait pas encore déposé plainte. Qu’en pensez-vous?
Il existe de manière générale une tendance très forte à remettre en cause la parole des victimes dans les affaires de viols et d’agressions sexuelles. C’est pour cela que seulement 10% des victimes (en France, ndlr) déposent plainte. Il y a presque toujours une pression de l’entourage, qui les pousse à ne pas porter plainte contre leur agresseur. Et souvent la culpabilité se retourne contre la victime, ce qui est quand même un comble. Une fois de plus, dans cette affaire, à travers certaines déclarations, on a l’impression que c’est la victime qui se retrouve en accusation. On déclare qu’elle affabule, qu’elle exagère… Alors qu’elle devrait au contraire être écoutée.

Vous vous réjouissez aujourd’hui que le patron du FMI ne bénéficie pas d’un traitement de faveur?
Je ne me réjouis pas qu’une telle affaire ait lieu. C’est regrettable que cela arrive. Après, je pense qu’il est effectivement normal que DSK soit traité comme n’importe qui d’autre. La loi doit s’appliquer à tous. Après, on peut se poser la question de savoir si c’est "cruel" ou pas – j’ai entendu ce terme – de montrer des images. Mais alors il faut, encore une fois, se poser cette question là pour tout le monde.

L’association Paroles de Femmes estime, dans un communiqué, que "les politiques considèrent parfois avoir un droit de cuissage sur les femmes". Les mots sont forts. Vous partagez cette opinion?
Le terme "droit de cuissage" a une résonance particulière. Ce qui est certain, c’est que l’on sait – par de nombreux témoignages privés de femmes ayant travaillé en politique – que ce milieu est extrêmement misogyne, machiste et où le harcèlement sexuel est monnaie courante effectivement. Evidemment tout le monde se tait car cela mettrait en cause les hommes de pouvoir. Il y a une pression terrible sur ces femmes pour faire taire les pratiques qu’elles subissent. C’est quelque chose que tout le monde sait.

*Mix-Cité est une association féministe pour l’égalité des sexes.

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