Le Cuba de Fidel Castro, un « phare » pour les gauches latinos
Fidel Castro a cherché durant des décennies à exporter la révolution cubaine en Amérique latine, mais ce sont les urnes qui ont fini par conduire au pouvoir durant les dernières années de sa vie une gauche qu’il a toujours inspirée.
Face à cette "vague rose", les Etats-Unis entament à la même période un rapprochement historique avec La Havane, scellé par la réouverture des ambassades à l’été 2015. La politique d’isolement de Cuba avait fini par isoler les Etats-Unis en Amérique latine, reconnaît alors le président Barack Obama.
Fidel "avait dit publiquement qu’il était très heureux de voir ce virage à gauche (…) Pour lui, c’était une forme de victoire ", souligne Gaspard Estrada, directeur exécutif de l’Opalc, observatoire de l’école française Sciences Politiques Paris sur l’Amérique latine.
"Cuba a été un modèle, un phare pour les gauches en Amérique latine et Fidel Castro incarnait ce message de dissidence vis-à-vis des Etats-Unis", ajoute-t-il à l’AFP.
Tant par conviction politique que pour répondre à l’isolement dont il est la cible, Fidel Castro, à peine la révolution installée à Cuba en janvier 1959, cherche à soutenir et financer les mouvements armés à travers la région, sauf au Mexique, en souvenir de l’exil accordé par ce pays où il rencontre Ernesto "Che" Guevara.
La Havane est dans ces années 1960 la Mecque des révolutionnaires du monde entier. En pleine Guerre froide, des dirigeants y arrivent avec des plans inspirés de la révolution cubaine. Des milliers d’hommes passent par "Punto cero" (Point zéro), un camp d’entraînement militaire près de la capitale, avant de prendre les armes contre les régimes de droite et les dictatures militaires soutenues par les Etats-Unis.
Au sein de la gauche latino-américaine, "Fidel" fascine pour avoir "lancé une révolution armée triomphante", déclare à l’AFP Carlos Malamud, professeur à l’Institut Elcano de Madrid.
Pour Geoff Thale, du Bureau de Washington sur l’Amérique latine (WOLA), "on pleure (Fidel Castro) à Cuba, en Amérique Latine et ailleurs pour ce qu’il a représenté pour l’indépendance de ces pays et leur fierté nationale, en tant que leader qui s’est battu pour son autodétermination".
Ainsi au Venezuela, où il soutient une guérilla au début des années 1960, Castro trouve ensuite un allié inconditionnel en la personne d’Hugo Chavez, le défunt président vénézuélien et fils spirituel du "Lider Maximo". A la mort de Chavez, le lien étroit est conservé avec son successeur, Nicolas Maduro.
"Le coup de génie de Fidel a été l’alliance avec le Venezuela, qui a maintenu Cuba au centre du jeu continental", juge Carlos Malamud.
La Bolivie, où est tombé le "Che" en 1967 alors qu’il dirigeait un mouvement rural armé, est gouvernée depuis 2006 et pour la première fois de son histoire par un indigène, Evo Morales, fervent admirateur de Fidel.
Impliqué dans le triomphe de la révolution au Nicaragua en 1979, Fidel a souffert de la défaite électorale du Front sandiniste en 1990 comme s’il s’agissait de la sienne. Il a ensuite célébré en 2007 le retour au sommet de son disciple, l’ex-guérillero Daniel Ortega, qui forme alors avec Chavez, Morales et l’Equatorien Rafael Correa, l’axe "anti-impérialiste" régional.
Sous la présidence du syndicaliste et fondateur du Parti des Travailleurs (gauche) Luiz Inacio Lula da Silva, le Brésil devient le deuxième partenaire latino-américain de l’île, derrière le Venezuela. L’ancienne guérillera Dilma Rousseff poursuit ce mouvement, mais elle vient d’être destituée fin août et remplacée par Michel Temer, du parti du PMDB (centre droit).
Avant le Brésil, un autre géant du continent, l’Argentine, qui s’était rapproché de Cuba en 2003 avec l’arrivée des Kirchner au pouvoir, a basculé à droite récemment avec la victoire du libéral Mauricio Macri.
Mais la popularité de Fidel était "telle sur le continent que même les régimes de droite n’ont pas osé le critiquer ouvertement pour ne pas s’attirer les foudres des électeurs", fait valoir Carlos Malamud.
Source AFP