Le CFCM interpelle vivement le ministre de l’intérieur sur son annonce de la « mort » de l’instance
Invité du Grand Jury LCI/RTL/Le Figaro, ce dimanche 12 décembre 2021, le ministre français de l’Intérieur, chargé des Cultes, Gérald Darmanin, a annoncé à la surprise générale « la mort » du Conseil français du culte musulman, une association régie par la loi 1901. Pour l’instance représentative de l’islam de France, cette déclaration « surprenante n’est pas acceptable ni sur la forme ni sur le fond ».
Le président du Conseil français du culte musulman (CFCM) Mohammed Moussaoui a dénoncé, lundi, les propos du ministre français de l’Intérieur, Gérald Darmanin sur la « mort » de cette instance, considérée comme le principal interlocuteur des pouvoirs publics pour le culte musulman en France.
Dans un communiqué, M. Moussaoui a qualifié d’ »inacceptable » et « pas justifiée » la déclaration du ministre qui a affirmé, dimanche, lors d’une émission de télévision que le CFCM est “mort” et que pour “les pouvoirs publics, pour la République française, n’existe plus, n’est plus l’interlocuteur de la République ».
« Cette déclaration n’est pas acceptable ni sur la forme ni sur le fond »‘, a réagit le président du CFCM dans son communiqué, ajoutant que “des propos de cette gravité ne peuvent être tenus par un ministre de la République dans un langage approximatif, au détour d’une réponse à une question d’un journaliste ».
Selon M. Moussaoui, « la rupture unilatérale du dialogue entre les pouvoirs publics et l’instance représentative du culte musulman n’a jamais été signifiée au CFCM », relevant que cette instance “est toujours le représentant du culte musulman devant différentes commissions nationales et européennes et auprès des autres cultes » et qu’elle » continue de désigner les aumôniers et de saisir les pouvoirs publics sur différentes questions liées au culte. »
Le CFCM « représente le culte musulman dans toutes les cérémonies officielles », souligne Mohammed Moussaoui, faisant observer que “la rupture unilatérale du dialogue entre les pouvoirs publics et l’instance représentative du culte musulman n’a jamais été signifiée au CFCM”.
“Les conseils régionaux et départementaux du culte musulman continuent de dialoguer avec les pouvoirs publics, notamment les préfets. Au niveau national, le CFCM est toujours le représentant du culte musulman devant différentes commissions nationales et européennes et auprès des autres cultes. Il continue de désigner les aumôniers et de saisir les pouvoirs publics sur différentes questions liées au culte. Il représente le culte musulman dans toutes les cérémonies officielles”, explique le communiqué.
Et d’ajouter que l’action du CFCM en direction des mosquées, au sein des hôpitaux et auprès des détenus tout au long de la crise sanitaire a été saluée par tout le monde, en notant que la commission sénatoriale l’a rappelé explicitement dans son rapport.
Depuis des mois, le CFCM n’a cessé de multiplier ses actions pour lutter contre la radicalisation. “C’est au sein du CFCM que la charte des principes pour l’islam de France a été rédigée”, observe M. Moussaoui, ajoutant que les “textes fondateurs du projet du Conseil National des imams y ont été élaborés” et “malgré la faiblesse de ses moyens et les tentatives de déstabilisation dont il a été victime, le CFCM a tenu bon”.
“Aussi, l’annonce faite par le ministre de l’intérieur n’est pas justifiée et est en rupture totale avec les règles et usages en vigueur dans un État de Droit comme le nôtre”, note la même source.
“Après avoir évoqué les trois fédérations non signataires de la charte, le ministre de l’intérieur tire la conclusion : « Et donc le CFCM qui est encore présidé par un des présidents de cette fédération n’est plus un interlocuteur ». Ces propos laissent clairement entendre que le président du CFCM, Mohammed Moussaoui, n’a pas signé la charte alors même qu’il en a été le coordinateur et le premier signataire, et induisent ainsi l’opinion publique en erreur”, renchérit M. Moussaoui, qui note qu’”affirmer, comme le fait monsieur le ministre, que le Président de la République aurait fait signer la charte aux responsables musulmans pourrait laisser entendre que les termes de cette charte auraient été imposés par le Président de la République”.
Le président du CFCM rappelle à cet égard que “cette Charte a été rédigée par l’ensemble des huit fédérations composant le CFCM et elles en sont les auteurs” et les trois fédérations non signataires pour le moment en font partie”.
Les trois fédérations (CCMTF, CIMG et Foi et Pratique), membres statutaires du CFCM et partenaires de longue date des pouvoirs publics, ont toujours participé activement aux travaux du CFCM et son dialogue avec l’État, rappelle encore M. Moussaoui, faisant observer que ces fédérations “ont montré leurs bonne volonté de vouloir avancer sur le sujet de la Charte en demandant à plusieurs reprises et notamment encore la semaine dernière une audience auprès du Ministre de l’Intérieur et “elles attendent toujours une réponse de sa part”.
“La signature de la charte aussi importante soit-elle ne peut pas nous renseigner parfaitement sur l’identité d’une organisation et de son corpus idéologique”, insiste le président du CFCM, ajoutant que “la République doit traiter ces sujets importants avec une grande rigueur et une analyse profonde des faits et des situations dans un cadre légal”.
Le ministre de l’intérieur , explique le communiqué, annonce vouloir mettre en place une organisation du culte musulman en convoquant à un forum «une centaine de cet islam de France parmi lesquels, il y aura des femmes, parmi lesquels il y aura des laïcs, parmi lesquels il y aura des gens de la société civile », note le communiqué, relevant que le CFCM a été créé pour représenter le culte musulman en France et non les musulmans de France.
“Une représentation des musulmans de France serait contraire au fondement laïc de la République et un glissement vers un communautarisme qui ne dit pas son nom”, observe la même source.
“L’État a besoin d’interlocuteurs représentatifs des cultes. Mais, l’État laïc n’a pas à organiser les cultes. Toute action du gouvernement qui crée le vide institutionnel en matière de dialogue avec le culte musulman ne peut être que préjudiciable à tous”, affirme M. Moussaoui, faisant observer que le “CFCM a décidé de tirer toutes les leçons de ses expériences et erreurs passées et a procédé à la création de conseils départementaux du culte musulman, débarrassés de toute référence aux pays d’origine ou aux fédérations d’affiliation, en s’appuyant uniquement sur les acteurs du terrain”. Cette orientation majeure, remarque-t-il, permettra une nouvelle réorganisation du culte musulman à même de répondre aux attentes des musulmans de France et à leur aspiration à une totale indépendance de toute forme d’ingérence.
Pour M. Moussaoui, le concept de l’« islam consulaire » et des imams détachés, “par son imprécision et son évocation à géométrie variable”, ne permet pas de voir de manière claire la coopération, pourtant officielle, entre la France et certains pays étrangers en matière de culte, relevant que cette coopération est régie par des engagements bilatéraux entre la France et certains pays, notamment l’Algérie, le Maroc et la Turquie.
“Notre pays est souverain dans ses décisions et a toute la latitude de faire respecter ou de revoir le cadre de ces accords bilatéraux”, précise-t-il, en notant que les musulmans de France comme tous les citoyens d’autres confessions bénéficient des apports de ce type d’accords.
“Le culte musulman ne fait pas exception. Il s’adapte aux changements dictés par l’évolution du contexte et essaie de mettre en place des alternatives. Celles-ci nécessitent des moyens, du temps et un climat de sérénité”, explique le communiqué, remarquant que le CFCM, tout en reconnaissant la nécessité de poursuivre son évolution avec une étape cruciale, celle de la création le 9 janvier prochain du Conseil National des Imams, par les imams loin de toute référence aux origines ou aux affiliations, ne peut “que déplorer cette nouvelle gestion des rapports avec le culte musulman hors du cadre juridique qui régit les rapports de l’État avec les cultes”.
Le texte intitulé « principes et fondements juridiques régissant les rapports entre les pouvoirs publics et le culte musulman », signé le 28 janvier 2000, par le ministre de l’intérieur représentant l’État et les responsables musulmans, “reste le texte référent en la matière”, conclut le communiqué.