Kenya: dernière chance pour Raila Odinga, l’éternel opposant

Souvent défait mais toujours incontournable, l’opposant Raila Odinga, vétéran de la politique kényane à 72 ans, tente sa chance mardi, pour la quatrième et très probablement dernière fois, à l’élection présidentielle.

Sa défaite au premier tour en 2013 face à Uhuru Kenyatta devait déjà sonner la fin de sa carrière politique, après deux premiers échecs en 1997 et 2007.

Mais le madré Odinga, qui reste le leader le plus charismatique et le plus populaire de l’opposition kényane, a réussi à convaincre son camp qu’il était cette fois encore le mieux placé pour le faire gagner.

De fait, alors qu’il était très loin dans les sondages encore en début d’année, il est presque revenu à la hauteur de M. Kenyatta après sa désignation en avril pour porter le flambeau de l’opposition. Si bien que le scrutin s’annonce des plus serrés.

Raila Odinga, qui estime que la victoire lui a été volée en 2007 et a contesté celle de M. Kenyatta en 2013, espère que le destin sera cette fois-ci en sa faveur, après avoir mis tout au long de la campagne en garde contre le risque de trucage.

Cette élection voit s’écrire un nouveau chapitre de la longue rivalité politique entre les Odinga et Kenyatta, "une folle compétition dynastique qui rend tout le monde irrationnel", selon Murithi Mutiga, du centre d’analyse International Crisis Group (ICG).

Le père de Raila, Jaramogi Oginga Odinga, occupa brièvement le poste de vice-président. Mais il fut surtout le grand perdant de la lutte post-indépendance pour le pouvoir, au profit du premier chef d’État Jomo Kenyatta, le père d’Uhuru.

Ainsi né, l’homme au physique bonhomme et à la diction chuintante, que les Kényans appellent communément "Raila", a dû se faire un prénom.

Mais malgré des décennies d’activité politique, l’ex-Premier ministre d’un gouvernement d’union nationale entre 2008 et 2013, demeure une énigme pour beaucoup de ses concitoyens.

Certains voient en lui le réformateur social dont le pays a besoin, d’autres un populiste prompt à instrumentaliser les jalousies entre communautés.

En 2007, il crie à la fraude électorale massive lorsque son adversaire Mwai Kibaki, issu de l’élite économique kikuyu, est déclaré vainqueur. Le Kenya plonge alors dans les pires violences politico-ethniques depuis son indépendance du Royaume-Uni en 1963, faisant plus de 1.100 morts et 600.000 déplacés.

Il faudra une pression maximale de la communauté internationale pour trouver un compromis et faire d’Odinga le Premier ministre du gouvernement d’union nationale.

Récemment interrogé sur cette période sombre, il a réitéré que la victoire lui avait été volée et qu’il était étranger aux violences meurtrières dont une partie de ses sympathisants se sont pourtant rendus coupables.

Plus que tout observateur de la vie politique kényane, c’est sans aucun doute sa propre communauté Luo, dans l’ouest du Kenya, qui a le mieux décrit Odinga en le surnommant "Agwambo", "le mystérieux", un qualificatif collant parfaitement à cet homme au parcours semé de contradictions.

Quand Raila Odinga lit un discours préparé à l’avance, il butte sur les mots, se trompe dans les chiffres. Mettez-le sur un podium sans notes à la main, il multiplie les bons mots en kiswahili, séduit la foule et aligne des arguments qui font mouche.

Ses détracteurs l’ont souvent épinglé comme "socialiste", lui qui a fait ses études d’ingénieur à Leipzig, en Allemagne de l’Est communiste et qui a prénommé Fidel son fils aîné – décédé en 2015 – en hommage au révolutionnaire cubain Fidel Castro.

Lui-même se présente comme un social-démocrate soucieux de rééquilibrer la répartition des richesses dans un pays profondément inégalitaire.

Il est dans les faits à la tête d’un solide patrimoine, fruit de sa carrière politique et d’homme d’affaires, dans le secteur de l’éthanol et du pétrole. Son passage au poste de Premier ministre a par ailleurs confirmé qu’il n’avait aucune aversion pour l’économie de marché.

Dès le début de son engagement en politique au début des années 80, Odinga fait preuve d’une ténacité qui ne l’a depuis jamais quitté: il a payé son opposition au régime de parti unique en vigueur au Kenya jusqu’en 1992 par près de huit ans de détention sans procès, dans les années 80 et jusqu’en 1991.

En 2010, il a été l’un des plus ardents promoteurs d’une nouvelle Constitution adoptée par référendum et largement perçue comme plus progressiste que la précédente.

Marié, père de quatre enfants (Fidel, Rosemary, Raila Junior et Winnie), Odinga a été élevé dans un milieu anglican, s’est détourné de la religion dans sa jeunesse, avant de rejoindre une église évangéliste en 2009.

Par AFP

Laisser un commentaire

Votre adresse email ne sera pas publiée.

Ce site Web utilise des cookies pour améliorer votre expérience. Nous supposerons que vous êtes d'accord avec cela, mais vous pouvez vous désinscrire si vous le souhaitez. J'accepte Lire la suite