France : les « Amis de la Syrie » demandent « instamment » à la Coalition de se rendre en Suisse

La réunion des « Amis de la Syrie », qui regroupe les onze pays occidentaux et arabes soutenant l’opposition syrienne, s’est achevée, dimanche 12 janvier à Paris, par un appel à la Coalition nationale syrienne (CNS) à participer à une conférence internationale de paix dont le but est de parvenir à la fin du « régime despotique » de Bachar Al-Assad, selon la déclaration finale adoptée à l’unanimité.

Sans apporter de réponse puisque la décision finale de la Coalition, profondément divisée sur sa participation à la conférence de Genève-2, doit intervenir le 17 janvier, Ahmad Jarba, le président de la Coalition, dans une brève déclaration, a fait état des "inquiétudes", "doutes" et "craintes" de l’opposition puis relevé avec satisfaction la position commune des Onze pour dire que le départ du pouvoir de Bachar al-Assad était "inexorable".

"Ce fait bénéficie de l’unanimité claire et nette du groupe des Amis de la Syrie", a-t-il dit. Ahmad Jarba n’a en revanche pas été capable de dire si l’opposition syrienne qu’il représente à l’étranger participera ou non à la conférence de paix qui doit se dérouler le 22 janvier à Montreux (Suisse). Cette réunion, dite de «Genève 2», en référence à la première conférence qui s’était tenue en juin 2012 en Suisse, doit théoriquement fixer un processus de transition incluant la formation d’un gouvernement provisoire.

"Une fois le gouvernement de transition établi et doté du contrôle sur toutes les institutions gouvernementales, comme spécifié par la lettre d’invitation du secrétaire général des Nations unies, y compris sur les forces armées, les services de sécurité et de renseignement, Assad et ses proches collaborateurs ayant du sang sur les mains ne joueront plus aucun rôle en Syrie", affirme la déclaration finale adoptée dimanche.

Les ministres des Affaires étrangères des Onze (Grande-Bretagne, Allemagne, Italie, France, Arabie saoudite, Emirats arabes unis, Qatar, Egypte, Jordanie, Etats-Unis, Turquie) réaffirment également leur franc soutien à la Coalition nationale et "condamnent dans les termes les plus forts les atrocités commises quotidiennement par le régime (d’Assad) contre son peuple, avec le soutien du Hezbollah (mouvement chiite libanais) et d’autres groupes étrangers".

Ils dénoncent en particulier le largage "intensif de barils d’explosifs" contre la population d’Alep, et la "stratégie" du régime consistant à affamer la population à Homs et dans les faubourgs de Damas.

Alors que la Coalition exige, avant le début des négociations, la cessation du recours aux armes lourdes par le régime et la mise en place de couloirs humanitaires, la déclaration finale affirme qu’"au cours des négociations, toutes les parties doivent mettre fin à l’utilisation d’armes lourdes et mettre en oeuvre des pauses humanitaires".

Les Onze apportent également leur soutien au combat que mènent les forces démocratiques contre l’Etat islamique en Irak et au Levant (EIIL). "Les groupes extrémistes font le jeu du régime et ternissent l’image des forces de l’opposition syrienne démocratiques et légitimes en les privant de soutien local et international", affirment-ils.

L’opposition armée se bat depuis une semaine contre ses ex-frères d’armes, les jihadistes de l’EIIL, accusés d’exactions. Ce conflit interne a fait en huit jours plus de 700 morts et des centaines de disparus, dans le nord de la Syrie.

"Le régime syrien nourrit le terrorisme"

"C’est le régime syrien qui nourrit le terrorisme", a déclaré le chef de la diplomatie française Laurent Fabius, dans un point de presse. "Il importe que Genève-2 se réunisse. Il n’y a pas d’autre solution au drame syrien que la solution politique", a-t-il insisté.

"Nous avons expliqué encore et encore aux représentants de l’opposition que le fait de ne pas prendre part à la conférence contribuerait à un échec des discussions ou les empêcherait d’avoir lieu. J’espère que nous avons réussi à les convaincre", a affirmé le ministre allemand des Affaires étrangères, Frank-Walter Steinmeier.

L’objectif de la réunion de dimanche à Paris, dit-on de source diplomatique, consistait surtout à renforcer l’assise de M. Jarba et à inciter l’opposition à se rendre en Suisse pour éviter que le régime de Damas ne fasse porter l’échec de ces négociations à ses adversaires. S’adressant à tous ceux, dans son camp, qui redoutent que l’ouverture de pourparlers ne fera que consolider le pouvoir syrien, M. Jarba a souligné que « nous sommes tous d’accord pour dire qu’il n’y a pas d’avenir pour Bachar Al-Assad et pour sa famille en Syrie. Son départ est inéxorable », a-t-il insisté.

Quarante-huit heures de débats houleux à Istanbul cette semaine n’ont pas permis à la Coalition de prendre une décision sur sa participation. Elle doit à nouveau se réunir le 17 janvier. De son côté, le régime syrien répète que Damas n’ira pas à Genève "pour remettre le pouvoir à qui que ce soit ni faire de transactions avec qui que soit" et qu’il revient à Bachar al-Assad de mener la transition, en cas d’accord en Suisse.

Lors de la réunion de Genève-1, en juin 2012, les participants s’étaient mis d’accord sur la formation d’un gouvernement de transition tout en passant sous silence le sort de M. Assad.

L’objectif de Genève-2, défini par l’ONU, est de discuter d’un processus de transition politique avec la formation d’un gouvernement provisoire, composé de membres du régime et de l’opposition, doté des pleins pouvoirs exécutifs. La Coalition exige, avant le début des négociations, la cessation du recours aux armes lourdes par le régime et la mise en place de couloirs humanitaires.

D’intenses échanges diplomatiques ont eu lieu dimanche, notamment entre M. Fabius et le médiateur de l’ONU pour la Syrie, Lakdhar Brahimi. Ils se poursuivront lundi avec la venue à Paris du ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, qui rencontrera le secrétaire d’Etat américain,John Kerry, et Laurent Fabius séparément, puis M. Kerry et M. Brahimi ensemble.

Sur le terrain, la guerre entre factions rebelles s’est intensifiée, hier. Les jihadistes de l’Etat islamique d’Irak et du Levant (EIIL), une émanation d’Al-Qaeda en Irak, ont repris la majeure partie de leur fief de Raqqa (nord-est). Ils en avaient été quasiment chassés, la semaine dernière, par une offensive conjointe de plusieurs groupes rebelles, dont le Front al-Nusra, lui aussi lié à Al-Qaeda.

Depuis le 3 janvier, ces luttes intestines ont fait près de 700 morts, selon l’Observatoire syrien des droits de l’homme. Les groupes rebelles reprochent à l’EIIL sa volonté de se battre non pas contre le régime mais pour créer un «califat» allant de l’Irak à la Syrie. Le groupe jihadiste a rétorqué hier que les brigades qui l’attaquaient le faisaient pour plaire aux pays «apostats» qui participeront à la conférence de Montreux.

Plus de 130.000 personnes, dont plus de 7.000 enfants, ont été tuées dans les combats entre rebelles et régime depuis mars 2011, qui ont provoqué l’exode de millions de déplacés et de 2,4 millions de réfugiés.

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