Peine perdue, une vingtaine de minutes plus tard, Jean-Marc Ayrault montait créneau sur France Info. «Je viens d’écouter Eva Joly sur une autre radio et pendant dix minutes elle n’a pas critiqué une seule fois Nicolas Sarkozy et le gouvernement», s’est insurgé le président du groupe socialiste à l’Assemblée nationale. «Est ce que Madame Joly est devenue une candidate indépendante ou est ce qu’elle est la candidate des Verts ?, s’est interrogé le conseiller spécial de François Hollande pour la campagne présidentielle. Je pose la question à Cécile Duflot parce que passer son temps à taper sur François Hollande alors que l’adversaire principal c’est Nicolas Sarkozy, ce n’est pas la gauche de solidarité qui est nécessaire pour que la France se redresse». «Quand on se prétend de gauche et quand on prétend créer les conditions de la victoire, il ne faut pas se tromper d’adversaire. Que Madame Joly s’occupe un peu de Nicolas Sarkozy», a encore insisté Ayrault.
Un peu plus tard dans la matinée, la première secrétaire du PS, Martine Aubry, demandait elle aussi à ce que Cécile Duflot, la secrétaire nationale d’EELV, «clarifie la position» d’Eva Joly. Le PS et EELV ont signé «un accord respectueux de l’identité de chacun», a-t-elle expliqué, jugeant par conséquent les propos d’Eva Joly «absolument incompréhensibles».
Au PS, l’exaspération se fait donc sentir vis-à-vis d’Eva Joly. Et chacun y va désormais de sa sortie pour pilonner la candidate. mardi soir, Pierre Moscovici, le directeur de campagne de François Hollande, l’a appelé «à respecter» ses partenaires socialistes. «Je ferai observer simplement une chose à Eva Joly, avec laquelle je ne souhaite aucune forme de polémique : c’est que nous avons passé un accord avec les écologistes et qu’elle semble l’oublier, a souligné le député du Doubs sur Public Sénat.
Ségolène Royal s’est de son côté dite «choquée» par la sortie d’Eva Joly sur l’archaïsme des amis de François Hollande, qu’elle a comparés à du «bois dont on fait les marionnettes». «Il faut éviter les anathèmes surtout entre partenaires qui ont vocation à gouverner la France demain et à faire en sorte de redresser notre pays», a-t-elle réagi sur Europe 1, appelant la candidate d’EELV à aller «jusqu’au bout d’une convergence avec les socialistes».
De plus en plus isolée, la candidate l’est aussi au sein de son mouvement. Pour preuve : la démission, mercredi matin, de son porte-parole, Yannick Jadot. L’eurodéputé affirme ne plus partager sa «ligne politique», notamment sur sa prise de «distance avec l’accord» conclu avec le PS. Mardi soir déjà, un haut responsable du Parti évoquait son «inquiétude» quant à la position adoptée par l’ancienne magistrate. À la direction d’EELV, «tout le monde est énervé», «elle n’a pas un mot pour positiver» l’accord (avec le PS) qui a été voté à 74% par le Conseil fédéral, avait-il déclaré à l’Agence France-Presse. «Elle dit en gros : à elle les valeurs, aux autres la tambouille», avait fustigé une autre personnalité d’EELV, déplorant qu’Eva Joly cède à «une espèce de dérive solitaire, investie d’une mission de pureté» et qu’au lieu de faire de ce partenariat «un tremplin», «elle reste sur le bord du chemin en se bouchant le nez». La rumeur d’un retrait de la candidate de la course à l’Élysée pourrait bien avoir encore de beaux jours devant elle.