En se désintéressant de la jeunesse, les partis marocains ont contribué à la poussée du PJD (Benjelloun)
« Les Marocains doivent se dire : +si nous donnons notre voix à des islamistes qui vont nous enfermer sur le monde extérieur, nous nous punissons+. Je ne crois pas qu’ils accepteraient de se voir du jour au lendemain dans une forme de +dictature religieuse+. Le Maroc a toujours été un pays de modération et d’ouverture », souligne-t-il, avant d’avancer sa propre « analyse théorique » sur les résultats de ces législatives du 25 novembre selon laquelle « tout le monde sera présent et aucun parti n’aura la majorité absolue ».
A ceux qui surfent sur l’arrivée des islamistes d’Ennahda au pouvoir en Tunisie, l’écrivain estime qu’ « Il n’y a pas d’effet dominos. Les conditions ne sont pas les mêmes et l’histoire n’est pas la même ». « Le Maroc n’a pas attendu le printemps arabe pour faire des réformes. Le Roi Mohammed VI, depuis son accession au trône, a mené des réformes et a doté le pays de nouvelles infrastructures. »
« Le Roi, selon lui, a eu l’intelligence d’anticiper les événements et de proposer des reformes. Il a été extraordinaire. Et pour cela, je pense que le Maroc reste un cas d’exception dans le monde arabe. »
Tahar Benjelloun estime que si l’on parle autant du Parti Justice et Développement (PJD), cela relève plus de la responsabilité des partis traditionnels. « Les partis politiques ont leur part de responsabilité dans le succès du PJD. Ils n’ont pas su s’adresser à la jeunesse ni aux gens. Ils sont dépassés », a-t-il dit, ajoutant que les partis historiques, l’istiqlal et l’USFP, « ont manqué de pédagogie. Et si les jeunes se sont détournés de ces partis, qui défendaient des valeurs, c’est qu’ils n’ont pas su leur parler ».
Jeunesse désabusée
Cette rupture entre les politiques et le reste de la population, la presse marocaine "en parle depuis longtemps et se montre très critique à l’égard de ces politiques, ministres, élus, députés, chefs de partis. J’ai rarement vu des articles aussi sévères sur le comportement des hommes politiques. Il y a un vrai débat sociétal. »
Pour Tahar Benjelloun, la perméabilité du discours islamiste ne signifie pas qu’il est « bon » mais qu’il est "facile". "C’est un discours qui est à base de religion, donc de foi, donc d’irrationalité ». « Quand quelqu’un vous dit : votez pour ce parti et vous aurez un bon point au paradis, on n’est plus dans la politique mais dans la magie. Mais si ce parti arrive en tête vendredi, le Maroc sera obligé d’accepter le choix des Marocains ».
Toujours est-il que la véritable raison d’une jeunesse désabusée, selon l’écrivain, relève plus de domaine socio-économique que de la politique. « Lorsqu’un jeune quitte diplômé l’université et ne trouve pas de travail. Il est désespéré. Il se jette alors dans les bras qui s’ouvrent à lui. Or ce sont souvent les bras des islamistes qui s’ouvrent à ces jeunes ».
Selon Tahar Benjelloun, « Ces élections sont un exercice technique de la démocratie mais la démocratie est surtout de savoir pourquoi on vote et pour qui on vote ». « Le Roi a eu raison de dire que l’élite marocaine doit s’engager et se présenter aux élections » en vue de renouveler la classe politique, souligne Tahar Benjellloun pour qui les « élections ont été entachées par le passé d’une telle suspicion que les têtes intelligentes ne voulaient pas s’investir (…) Ce dégout de la politique est dû à l’affairisme qui a entouré depuis longtemps la députation". "Et pour un jeune marocain, c’est insupportable".
Mais ce scrutin du 25 novembre qui intervient dans le sillage de la réforme de la Constitution annonce une « nouvelle page politique », se réjouit l’écrivain. « Le futur chef de gouvernement, issu du parti qui arrivera en tête, sera renforcé et surtout tenu responsable devant le parlement de ses décisions et de ses actes », ajoute T.Benjelloun pour qui « C’est une ère politique qui s’ouvre grâce à la nouvelle constitution.»