France : la difficile lutte de la police contre la radicalisation islamiste en son sein

La tuerie perpétrée au coeur de la préfecture de police de Paris par l’un de ses propres agents illustre les limites de la capacité des services policiers à éradiquer toute radicalisation islamiste en interne.

Comme dans les services publics en général, le phénomène ne touche les forces de l’ordre que de "façon marginale", écrivaient en juin les députés français Eric Diard et Eric Poulliat dans un rapport sur le sujet. A l’époque, seuls une trentaine d’agents faisaient l’objet d’un suivi dans la police et la gendarmerie, sur un total de 130.000 gendarmes et 150.000 policiers.

Parmi eux ne figurait pas Mickaël Harpon, qui a poignardé à mort quatre fonctionnaires jeudi dernier et dont les premiers éléments d’enquête attestent de sa proximité avec l’islam radical.

Depuis 2017, l’arsenal législatif contre la radicalisation s’est renforcé dans la police.

Un service enquête sur les nouvelles recrues en recroisant sept fichiers de police et de renseignement et la loi lui permet d’enquêter sur des personnes déjà en poste.

Le cas de Mickaël Harpon témoigne cependant de plusieurs angles morts.

Sa radicalisation est survenue après son embauche à la préfecture de police en 2003 et des indices comme sa justification en juillet 2015 de l’attentat jihadiste contre l’hebdomadaire Charlie Hebdo ou son changement de comportement avec les femmes, n’ont fait l’objet que d’une discussion informelle, sans signalement écrit.

"Un dysfonctionnement d’Etat", a dénoncé le ministre de l’Intérieur Christophe Castaner.

"Il n’y a pas toujours de signalement, car il y a parfois la peur d’être accusé de discrimination", explique David Le Bars, secrétaire général du syndicat des commissaires de la police nationale (SCPN-Unsa), qui réclame davantage de contrôles.

Selon le ministère de l’Intérieur, une vingtaine de personnes ont été mises à l’écart dans la police depuis 2015, dont six ont été révoquées.

"La radicalisation elle-même ne peut être un motif de révocation. Il faut un élément légal comme un manquement au devoir de neutralité", souligne Jean-Charles Brisard, président du Centre d’analyse du terrorisme.

Pour y remédier, Fabien Vanhemelryck, secrétaire général du syndicat de police Alliance, réclame de nouveaux textes pour mieux "caractériser" la radicalisation et "pouvoir mettre à l’écart et virer les radicalisés le plus rapidement possible".

Mais "on ne peut pas prendre un signalement pour argent comptant avec le risque par exemple de règlement de compte ou de dénonciation malveillante entre agents", prévient une source au sein du ministère de l’Intérieur.

La justice peut par ailleurs s’opposer à une révocation si elle la juge insuffisamment justifiée. Le tribunal administratif a ainsi suspendu l’une des six révocations récentes dans la police.

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