Forte mobilisation dans les rues de France contre la réforme des retraites
Les syndicats français estiment avoir gagné leur pari de mobiliser plus de deux millions de personnes contre la réforme des retraites pour obliger le gouvernement à modifier son projet en profondeur.
En fin de journée, la CFDT estimait à 2,5 millions le nombre de manifestants ayant participé aux cortèges dans toute la France, tandis que la CGT évoquait 2,7 millions. Des chiffres nettement supérieurs à ceux du ministère de l’Intérieur, qui a recensé 1.120.000 personnes dans 220 rassemblements. À Paris, les manifestants étaient 80.000 selon la préfecture de police et 270.000 selon la CGT. C’est le double de la manifestation parisienne du 24 juin, où ils avaient été 47.000 d’après la police et 130.000 selon les organisateurs. À Marseille, 200.000 personnes ont défilé selon les syndicats, contre 120.000 en juin, et, à Lyon, ils étaient 30.000, contre 25.000 il y a deux mois et demi. À Bordeaux, de 40.000 à 100.000 manifestants ont défilé selon les sources, contre une fourchette de 25.000 à 70.000 en juin.
Maintenir la pression
"Du fric pour nos retraites, il y en a !" pouvait-on lire sur une pancarte à Bordeaux sous un portrait de Liliane Bettencourt, signe, comme dans tous les cortèges, de l’impact des soupçons de trafic d’influence qui pèsent sur le ministre du Travail, Éric Woerth, pour ses liens avec l’héritière de L’Oréal. Les syndicats, qui se battent contre le report de l’âge légal de départ à la retraite de 60 à 62 ans à l’horizon 2018, ont reçu le soutien de l’opposition dans les défilés qui se sont déroulés dans près de 200 villes de France. Le Parti socialiste, par la voix de sa première secrétaire, Martine Aubry, qui participait au cortège parisien, a une nouvelle fois promis de remettre le curseur à 60 ans.
L’objectif des syndicats était de faire pression sur les députés qui ont entamé le débat sur ce projet qui vise à rétablir l’équilibre des régimes de retraite en 2018. Mais les syndicats savent que la journée de mardi ne suffira pas à elle seule à faire plier le gouvernement. La majorité a martelé ces derniers jours qu’elle ne renoncerait pas à l’essentiel, le report de l’âge légal de départ à la retraite, même si l’exécutif a confirmé mardi des gestes sur les carrières longues, les métiers pénibles, les polypensionnés ou les retraites des femmes. "En proposant 62 ans, le gouvernement a fait un choix raisonnable et en même temps un choix qui est incontournable pour assurer le financement des retraites des Français", a dit à l’Assemblée nationale le Premier ministre, François Fillon. Il s’est dit "ouvert au débat pour peu que l’on ne perde pas de vue l’objectif de la réforme".
Scepticisme sur la grève générale
Dans ce contexte, les syndicats se préparent déjà à maintenir la pression au-delà du 7 septembre. Bernard Thibault, qui se réunira mercredi avec l’intersyndicale, est déterminé à poursuivre le mouvement si le gouvernement n’entend pas la protestation de la rue. "S’il ne réagit pas et que nous ne sommes pas entendus, il y aura des suites à cette mobilisation et aucune forme n’est rejetée jusqu’à présent", a-t-il dit dans le cortège parisien.
Mais tous les dirigeants syndicaux se montrent très sceptiques sur l’organisation d’une grève générale. "La grève générale, ça a en France une connotation qui est très particulière, ça a un côté insurrectionnel, c’est pour cela que nous n’utilisons pas cette formule", a déclaré à Reuters Jean-Claude Mailly, secrétaire général de Force ouvrière.
À l’exception des gestes annoncés et considérés mineurs par les syndicats, le gouvernement entend tenir bon sur une réforme jugée essentielle pour assurer l’avenir d’un régime qui, si rien n’était fait, connaîtrait un déficit de 50 milliards d’euros par an en 2020 selon le Conseil d’orientation des retraites. L’exécutif peut se fonder sur les sentiments partagés des Français exprimés dans un sondage de l’Ifop diffusé mardi. Cette étude note que l’opinion soutient majoritairement le principe d’une réforme, puisque 53 % des interviewés estiment que le gouvernement est "courageux dans ses choix". Mais seuls 33 % estiment que le gouvernement est "juste dans ses choix" et 70 % jugent les manifestations justifiées.
(Sources AFP et Reuters)