En Algérie, les Emiratis protègent l’outarde pour mieux la chasser

Gibier royal pour chasse au faucon des émirs du Golfe, l’outarde houbara, braconnée jusqu’à la quasi-extinction, est réintroduite en Algérie par une organisation émiratie qui espère voir un jour ses riches ressortissants pouvoir la chasser légalement dans ce pays.

Au rythme de plusieurs lâchers par semaine, environ 1.000 de ces oiseaux doivent être disséminés cette année près de Debbouche, à un millier de kilomètres au sud-ouest d’Alger, par le Centre émirati de reproduction d’oiseaux pour la conservation (EBBCC).

"Le but final de ce projet est de démultiplier le nombre d’oiseaux afin de pouvoir organiser la chasse pour les Emiratis, car il s’agit d’un folklore dont ils ne peuvent se passer", explique Said Echanti, l’un des responsables du projet.

Jadis commune dans les zones semi-désertiques du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord, l’outarde, un lourd échassier terrestre au vol nuptial spectaculaire et à la chair très prisée, est en théorie strictement protégée dans tous les pays.

Mais ces interdictions n’empêchent pas la poursuite de sa chasse par des émirs richissimes, prêts à effectuer des milliers de kilomètres avec leur suite pour traquer les derniers oiseaux subsistant en Afrique du Nord.

"Nous n’accepterons aucune chasse organisée. Quant à la chasse illégale, elle reste possible au vu de l’étendue du Sahara", reconnaît Mohamed Seghir Noual, directeur général algérien des Forêts.

Elevées par l’EEBCC dans un centre de reproduction de la région (la wilaya d’El Bayadh), les outardes relâchées sont dotées d’émetteurs permettant leur suivi et d’une bague indiquant leur année de naissance et leur sexe.

"La loi actuelle interdit la chasse (à l’outarde), mais quand leur nombre sera élevé, il sera possible de modifier la loi et d’organiser la chasse", estime Said Echanti.

Déjà menacée par la progression du désert qui perturbe leur biotope, l’outarde doit aussi faire face à la persistance du braconnage, auquel participeraient, selon des habitants, d’éminents dirigeants du Golfe.

Convois entourés d’escortes

Région quasi désertique peuplée seulement de quelques Bédouins, le secteur de Debbouche est difficile d’accès. Mais cet environnement hostile ne décourage pas les braconniers, qui se déplacent en convois de 4X4 munis de différents instruments de communication et de repérage, selon des témoins.

La réserve naturelle protégée locale de 500 km2 n’est gardée que par dix agents des Forêts aidés par quelques nomades, selon un fonctionnaire.

Un journaliste de l’AFP a constaté l’existence dans le secteur d’un immense campement appartenant, selon un habitant, à des "Qataris". Le directeur des Forêts a toutefois démenti cette information.

"Il y a une chasse (illégale) organisée mais nous ignorons les noms et nationalités des chasseurs, car ces derniers se déplacent en convois entourés d’escortes qui nous interdisent de les interroger", relève pour sa part Keith Scotland, le chef du projet à EBBCC.

La chasse à l’outarde est une pratique multi-centenaire de fauconnerie dans le Golfe et l’EBBCC mène des programmes de réintroduction dans plusieurs pays.

En Algérie, où l’organisation a débloqué cette année un million de dollars pour son programme de réintroduction, l’EBBCC espère l’autorisation à terme de "chasses organisées" légalement et ouvertes aux seuls bailleurs émiratis.

L’idée séduit également le Qatar, dont des représentants ont demandé aux autorités algériennes de les autoriser à effectuer la même expérience, selon une source proche du dossier.

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