Elections locales – Maroc : le parti islamiste fait la différence
Le parti Justice et Développement remporte les régionales avec 25% des sièges et prend la troisième place des communales grâce à ses victoires dans d’importants centres urbains.
Victorieux et cible de choix des autres poids lourds
La partie n’est toutefois pas gagnée, estime Manar Slimi, politologue à l’université Mohammed-V de Rabat. "Le plus important sera de voir qui va diriger les régions et ce ne sera pas facile pour le PJD car les partis avec lesquels il est susceptible de s’allier au niveau régional ont enregistré des résultats modestes", avance-t-il. Au niveau communal, le PJD (15,9% des sièges) a par ailleurs été devancé par ses rivaux de l’opposition, le parti Authenticité et modernité (PAM, libéral, 21,1%) et le parti de l’Istiqlal (PI, conservateur, 16,2%). Ces deux formations, comme les autres partis d’opposition au plan national, ont balayé samedi l’idée d’entrer dans des coalitions locales comprenant le PJD. La formation islamiste sait qu’elle sera une cible de choix pour ces deux poids lourds de la scène politique dans l’optique des législatives, d’autant que l’Istiqlal aura une revanche à prendre après le camouflet subi dans son bastion de Fès (centre). Parti récent -il a été fondé en 2008 par un proche conseiller du roi-, le PAM a déjà rouvert les hostilités, son n°2 dénonçant l’"interprétation spéciale de l’islam" du PJD. "Ils sont un Etat dans l’Etat, ils travaillent dans l’ombre, et leur projet ne se limite pas au Maroc mais s’étend partout", a affirmé Ilyas el-Omari.
Une victoire à gèrer habilement
Dans l’immédiat et en fonction du jeu des alliances, le parti islamiste devrait être en mesure de diriger trois des quatre régions les plus peuplées du Maroc (celles de Fès, Casablanca et Rabat). Celles-ci représentent 15,5 millions d’habitants, soit presque la moitié de la population du royaume, et plus de 40% du PIB national. Alors que les expériences islamistes ont tourné court en Tunisie et en Egypte, le succès électoral du PJD semble valider la stratégie d’Abdelilah Benkirane : cet habile politicien s’est efforcé de maintenir les meilleures relations avec le palais royal, qui conserve de larges prérogatives. Cantonnée durant des décennies dans l’opposition, la formation islamiste avait remporté un succès historique aux législatives de 2011, dans le contexte du Printemps arabe. Quelques mois plus tôt, une nouvelle constitution avait été adoptée sur initiative royale. Si le texte est censé renforcer les pouvoirs du gouvernement, M. Benkirane est resté très prudent dans sa mise en oeuvre. Durant ses trois premières années d’expérience gouvernementale, le PJD n’a pas obtenu tous les résultats escomptés, notamment en matière de lutte anticorruption, un des ses grands chevaux de bataille. Mais le "parti de la lampe" conserve à ce jour, et contrairement à ses rivaux, l’image d’un mouvement se tenant à l’écart de ce fléau. Sur le terrain économique, le Premier ministre va pouvoir continuer à soigner son image de réformateur. L’an dernier, il a réussi à supprimer les subventions sur l’essence sans conflit social majeur dans un pays où près d’un jeune sur trois est au chômage. Le gouvernement doit désormais s’atteler à une autre réforme sensible, celle du régime des retraites, à bout de souffle.