Dans « ’Mardochée », Kebir-Mustapha Ammi raconte le périple trouble de Charles de Foucauld au Maroc

On connait le père Charles de Foucauld qui fut béatifié par le Vatican en 2005. Mais on connaît moins que ce saint de l’église chrétienne a d’abord servi comme espion au Maroc durant onze mois, en 1886.
Jeune officier, à peine sorti de Saint-Cyr, il voulait que son pays, la France, occupe le Maroc. D’autres nations, comme l’Espagne, le Portugal, l’Angleterre et l’Allemagne, le convoitaient aussi. Mais Comment donner un avantage à la France et lui permettre ainsi de damer le pion aux puissances rivales ? C’est à cela que s’est employé le jeune Charles de Foucauld.

Après mûre réflexion, il lui apparut que le meilleur moyen de collecter des informations de première main était de se rendre au Maroc et de l’explorer de long en large. Il prit langue avec un Marocain, Mardochée Abi Serour, et décida de sillonner le Maroc. Cette expédition dura onze mois.

Son livre ‘’Reconnaissance au Maroc’’, qui fut primé par la Société de Géographie, raconte cette aventure qui lui a permis de collecter un nombre impressionnant de d’informations pour le compte de l’armée française. Il rencontra nombre de gens et vista plusieurs régions. Il passe le Maroc au crible. L’homme est intelligent, rusé, observateur et intelligent. Rien ne lui échappe. Mais il ne dit pas tout. Celui qui se fit appeler Joseph Aleman et qui se déguisa en rabbin juif fait l’impasse sur bien des choses.

Avec ‘’Mardochée’’, paru aux éditions Gallimard, Karim Mustapha Ammi apporte un autre éclairage pour rétablir l’autre part de la vérité, celle que l’Histoire n’a pas daigné jusque là entendre. Qui est qui ? Et qui a fait quoi ? Rien n’importe que cela à celui qui fut le guide de Charles de Foucauld et qui se livre ici à une troublante confession, à la veille de sa mort.

Juif marocain, Mardochée confesse ce que le futur béatifié s’est efforcé de taire. Mais il dit surtout sa culpabilité d’avoir ouvert les portes de son pays à la France. Cette culpabilité est le cœur du livre qu’on le voit écrire dans une terrible souffrance.
Mardochée ne se pardonne pas d’avoir accepté de servir Joseph Aleman. Il dissèque cette culpabilité sans concessions. Il pressent la tragédie que sa faute va faire vivre aux siens.

Basé sur des faits avérés, ‘’Mardochée’’ n’est pas uniquement un roman historique, il peut bien sûr se lire comme un roman d’aventures dans le Maroc du 19ème siècle. On suit deux voyageurs, Joseph Aleman et son guide, qui sillonnent le pays du Nord au Sud et d’Est en Ouest, en prenant des risques inconsidérés. Ils vivent de nombreuses aventures et manquent souvent d’être démasqués. Mais ce roman qui est une plongée dans la mémoire offre une autre lecture de l’Histoire en posant des questions, notamment sur l’imposture à laquelle s’est livré Charles de Foucauld pour que son pays – la France- entreprenne la conquête du Maroc.

Romancier, essayiste et dramaturge, K.M. Ammi est né au Maroc en 1952. Après avoir obtenu son baccalauréat, il part en France, puis en Angleterre avant un séjour de plusieurs années aux États-Unis. De retour en France, il devient professeur d’anglais et enseigne aujourd’hui en région parisienne, où il vit. Il est notamment l’auteur d’une importante biographie d’Abd el-Kader, de romans pour la jeunesse, Le partage du monde et Feuille de verre (Gallimard Jeunesse) et de deux romans, Le ciel sans détours (collection blanche, 2007) et Les vertus immorales (collection blanche, 2009).

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