Climat : course contre la montre pour un accord à la COP24

La 24e conférence climat de l’ONU (COP24) était engagée vendredi soir dans un long finish, espérant un accord ambitieux pour l’application du pacte de Paris malgré des divisions béantes à combler.

Prévue pour se terminer vendredi, la COP de Katowice devrait respecter la tradition et se prolonger au moins jusqu’à samedi, les négociateurs devant encore trancher plusieurs points clés.

Leur mission: trouver le mode d’emploi de l’accord de Paris, qui vise à limiter le réchauffement à 2°C, voire 1,5°C, par rapport au niveau pré-industriel.

Ce sprint final arrive après deux semaines agitées, crispées par un contexte géopolitique défavorable à la cause climatique, marquées par une controverse imprévue sur le rapport scientifique du Giec et par le retour des divisions entre pays du Nord et du Sud, point récurrent des négociations climat.

Les implications du "mode d’emploi" ne sont pas anecdotiques. En vertu de l’accord de Paris, les engagements des pays pour réduire les gaz à effet de serre sont volontaires. Mais leur suivi doit être multilatéral, avec des règles de transparence, comme autant de "poutres" garantissant la solidité de l’édifice.

À Katowice, cette discussion sur la manière dont les États devront rendre compte de leurs actions a notamment été l’affaire des États-Unis et de la Chine. Le premier poussant, avec d’autres pays riches, pour des règles de suivi strict, et le second pour la flexibilité accordée aux pays en développement. Mais comment traduire cette flexibilité ?

"L’empreinte des Etats-Unis est partout dans ce texte (…). C’est l’éléphant dans la pièce", a dénoncé Meena Raman, de l’ONG Third World Network.

La question des financements des politiques climatiques est l’autre préoccupation des pays pauvres, notamment la manière dont va s’organiser la montée des fonds promis par le Nord à partir de 2025.

"Nous faisons pression sur le Nord pour qu’il paie le prix", a insisté le ministre de l’Environnement du Costa Rica, Carlos Manuel Rodriguez.

Washington tente de diluer la "différenciation" entre pays développés et en développement, un principe fondateur des négociations climat, explique un observateur vétéran de ces tractations. L’idée étant pour les Américains, pollueurs historiques, de ne plus baser les engagements des pays sur leurs émissions passées mais leurs émissions actuelles.

Autre point de fixation, la mention des "pertes et préjudices", un récent principe inscrit dans l’accord de Paris pour soutenir les pays en développement déjà confrontés aux impacts du réchauffement.

"Il faut trouver une bonne manière de traiter cette question", a appuyé Laurence Tubiana, architecte du pacte de Paris. En revanche "sur le mécanisme de transparence et les moyens de mesurer les progrès, je pense qu’on y est".

Mais le mode d’emploi n’est pas le seul objet de controverse. Les délégués doivent encore régler un hic survenu autour de la mention du dernier rapport du groupe des experts de l’ONU (Giec) dans la décision finale. Arabie Saoudite, Russie, Etats-Unis, refusent le terme "accueille favorablement", que les petites îles en particulier réclament absolument.

Publié vendredi matin, le projet de décision propose que la COP "invite les parties à faire usage de l’information contenue dans le rapport" du Giec. "La COP reconnaît le rôle du Giec, chargé de fournir les données scientifiques pour informer les parties", ajoute le texte.

Si "nous ne reconnaissons pas les enseignements du Giec, nous ne survivrons pas, nous mourrons", a dit le représentant des Maldives Mohamed Nasheed.

A la table des pourparlers, il y a aussi "l’ambition": comment pousser les États, dont les engagements formulés en 2015 pour réduire les gaz à effet de serre sont notoirement insuffisants, à présenter d’ici 2020 des plans renforcés ?

Dans le projet de décision, la COP "réitère sa demande" de "mise à jour" de leur contribution d’ici 2020, les mêmes termes que l’accord de Paris, rien de plus.

"C’est un début, mais l’entreprise est inachevée", a réagi Jennifer Morgan, pour Greenpeace, réclamant un "signal plus clair" pour relever les ambitions.

Le secrétaire général des Nations Unies Antonio Guterres, revenu vendredi à Katowice pour la troisième fois, a lui tenté de peser sur les discussions en rencontrant les diverses parties. Mercredi, il appelait à intensifier l’action, devant un réchauffement "galopant".

Une urgence à agir relayée par quelques dizaines d’enfants qui ont manifesté vendredi dans l’enceinte de la COP24, à l’appel de l’adolescente suédoise Greta Thunberg devenue célèbre pour son action hebdomadaire devant le parlement de Stockholm.

Les promesses nationales présentées en 2015 conduisent à un monde à +3°C. Le Giec a dressé le tableau des impacts déjà en cours, à + 1°C aujourd’hui, et montré l’ampleur de ceux à venir à +1,5, phénomènes météorologiques extrêmes, étés sans banquise arctique ou chute de la productivité agricole.

Les Etats réunis à Katowice ont par ailleurs décidé que la COP25 aurait lieu fin 2019 au Chili, après le retrait du Brésil, pays qui a élu à sa présidence le climato-sceptique Jair Bolsonaro.

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