Sur ce registre, le patrimoine funéraire juif est une illustration parfaite de l’exception marocaine et la preuve irréfragable du climat de cohabitation qui prévaut au Maroc : Véritables archives à ciel ouvert permettant de remonter le temps de plusieurs siècles, les cimetières israélites illustrent la profondeur de l’enracinement géographique, historique, spirituel et culturel du judaïsme marocain.
De par leur répartition géographique et la valeur qui leur est accordée, aussi bien par les citoyens de confession juive que leur concitoyens musulmans, ces cimetières témoignent d’une existence prolongée dans le temps, organisée selon les spécificités de la communauté juive et évoluant dans la paix et la stabilité.
Sous cet angle, ces « Maisons de la vie » ou « Beth Ha Hayim », selon la formule consacrée dans la tradition juive pour nommer le cimetière, ont une valeur historique et spirituelle indéniable, dans la mesure où ces cimetières permettent de retracer l’histoire de plusieurs familles et d’hommes illustres ayant contribué, d’une manière ou d’une autre, à l’édification de l’identité marocaine.
À ce propos, le président de la communauté juive à Rabat David Tolédano donne l’exemple de Rabat et Salé, qui abritent des sites importants et anciens et ayant une grande valeur historique, notamment parce qu’il y a des personnalités historiques qui y sont enterrées.
« Si je commence par le cimetière de Salé, il y a un saint très important, Rabbi Raphaël Encaoua, qui était le premier président des chambres du tribunal rabbinique du Maroc et était reconnu par ses pairs comme un grand érudit et un grand juste », a expliqué M. Toledano dans une déclaration à la MAP, notant, pour l’anecdote, qu’ « il avait l’habitude de discuter des jugements qu’il rendait, y compris avec les Cadis de Salé ».
« A Rabat, il y a deux cimetières, un très ancien situé dans le centre-ville, dans lequel on n’enterre plus, et l’autre sur la route de Casablanca, à côté du cimetière chrétien, et qui est plus moderne », a-t-il ajouté.
Là-aussi on trouve des Saints importants, qui ont été des personnalités de la ville de Rabat, comme Eliezer De Avila, « pour lequel nous faisons une Hiloula, c’est à dire un moussem marquant la date de son décès et qui réunit beaucoup de gens du Maroc et d’autres pays ».
Ainsi, de nombreux sites abritent des sépultures ou mausolées de grands sages, ce qui en fait des lieux empreints de spiritualité destinés au recueillement, aux rituels communautaires et au pèlerinage, favorisant par là des rencontres de célébrations et de piété réunissant des communautés marocaines de partout : À ce niveau là, les cimetières israélites contribuent au maintien des liens entre les juifs marocains ou d’origine marocaine et leur mère-patrie.
« Les citoyens marocains de confession juive, quel que soit le lieu où ils vivent, gardent leur origine et leur respect pour leurs parents et leurs aïeux, d’où ils viennent régulièrement au Maroc », affirme à ce propos M. Tolédano, faisant remarquer que ces cimetières se retrouvent partout au Maroc.
Cette répartition géographique, a-t-il relevé, « montre cette présence des juifs partout à travers le pays, pas seulement dans les grandes villes, mais aussi dans les zones rurales et les endroits les plus reculés du Royaume ».
« Ce qui est encore extraordinaire dans notre pays est que toutes les populations ont naturellement protégé ces cimetières et jamais une tombe n’a été détruite ou violée, comme on a pu le voir ailleurs », s’est-il félicité, mettant en avant, dans le même ordre d’idée, la mobilisation des autorités et des citoyens musulmans en faveur du programme « Réhabilitation des cimetières juifs du Maroc », lancé en 2010 à l’initiative de SM le Roi Mohammed VI, Commandeur des croyants.
La rénovation du cimetière de Salé et la construction de chambres et d’une synagogue pour les pèlerins ont été réalisées « avec le soutien des autorités et de nos amis entrepreneurs musulmans », se souvient M. Tolédano, qui avait mené la réhabilitation du mausolée de Rabbi Raphaël Encaoua, dans le cadre de ce programme.
Opération de grande envergure, ce programme a concerné 167 sites situés dans 40 provinces du nord et du sud du Royaume. Il s’est étalé sur une période de près de quatre ans et a nécessité le suivi et la coordination de moyens humains et techniques considérables ainsi qu’un travail d’identification des sites et des missions de terrain pour effectuer des repérages, afin de définir la consistance des travaux spécifiques à engager.
Mais le plus important dans ce programme est que le Maroc a renoué, une fois de plus, avec un patrimoine riche qui fait partie intégrante de son identité, confirmant ainsi sa réputation de terre du vivre-ensemble par excellence.