Bruno Retailleau, l’homme que cible Alger

Ami personnel de l’écrivain Boualem Sansal, emprisonné arbitrairement par les autorités algériennes, le ministre français de l’Intérieur Bruno Retailleau fait partie des membres du gouvernement français qui sont prêts à aller au rapport de force avec Alger pour obtenir sa libération.

Bruno Retailleau est ce qu’on peut dire en politique un miraculé, une surprise inattendue. Second couteau d’une droite classique qui refusait de manière ostentatoire de se soumettre à un Emmanuel Macron triomphant, il fut brusquement projeté sur le devant de la scène politique lorsqu’il fut choisi ministre de l’intérieur de l’éphémère Michel Barnier. Ce fut la grande surprise de ce gouvernement qui allait vite chuter à cause d’une historique motion de censure.

Bruno Retailleau créa la surprise en étant un des rares ministres dont le maintien au gouvernement de François Bayrou ne posa aucune interrogation, voire faisait partie d’une suite logique des événements. Il est vrai que Bruno Retailleau fut indirectement aidé par la catastrophe qui avait frappé l’île de Mayotte, territoire français d’outre-mer, et qui avait provoqué une grande émotion nationale. Sa gestion médiatique de cet événement rendait naturel, logique, voire inévitable son maintien au poste de ministre de l’Intérieur.

Bruno Retailleau appartient à l’aile très droitière des Républicains, très proche idéologiquement de l’extrême droite avec laquelle elle partage de nombreux cousinages. Ce n’est donc pas un hasard si les flibustiers de cette extrême droite ciblent Bruno Retailleau en le qualifiant de porte-parole des idées de Marine Le Pen et de Jordan Bardella au sein du gouvernement de François Bayrou. Venant de l’extrême droite, il s’agit moins d’un compliment que d’une accusation de captation d’idées et d’héritage politique.

Bruno Retailleau fait partie de cette droite républicaine qui ne veut pas laisser les questions et les préoccupations de la question migratoire exclusivement traitées par l’extrême droite. Elle pense qu’en s’attaquant de manière ferme et déterminée à la lutte contre l’immigration clandestine, il tirerait le tapis au dessous des pieds de l’extrême droite et annulerait les raisons de son expansion politique. Et il n’est pas exclu qu’en validant la première nomination puis la seconde de Bruno Retailleau, Emmanuel Macron avait cette approche en tête.

Même si Bruno Retailleau avait renoncé à la fabrication d’une nouvelle loi sur l’immigration pour ne pas faire fuir les rares personnalités de gauche au sein du gouvernement Bayrou, il s’est attaqué de plein fouet à cette affaire en éditant la «circulaire Retailleau» qui remplace «la circulaire Valls» et qui rend encore plus difficile et complexe l’installation de nouveaux migrants en France. Mais c’est sur l’Algérie que Bruno Retailleau a su créé sa fortune politique. Ami personnel de l’écrivain Boualem Sansal, emprisonné arbitrairement par les autorités algériennes, il fait partie des membres du gouvernement français qui sont prêts à aller au rapport de force avec Alger pour obtenir sa libération.

Alerté sur l’activisme de nombreux influenceurs algériens sur les réseaux sociaux qui incitent à la haine et appellent à la violence sur le territoire français, il en arrête quelques-uns et les présente devant la justice française. Il pousse la détermination jusqu’à à expulser un de ces influenceurs en Algérie muni d’un passeport biométrique valide. En refusant de l’accueillir, les autorités algériennes donnent à la crise avec Paris une dimension inédite. Bruno Retailleau parle alors de volonté algérienne «d’humilier» la France quand Emmanuel Macron évoque, lui, «le déshonneur» qui frappe l’Algérie si elle ne libère pas Boualem Sansal.

Le bras de fer entre Alger et Paris, porté de main de fer par Bruno Retailleau, a atteint de nouvelles perspectives. Comme cette enquête lancée en direction de la mosquée de Paris, dirigée par un agent d’influence algérienne Chems-Eddine Hafez qui s’est livré, avec la complicité du gouvernement algérien, à une entourloupe comptable pour faire payer aux entreprises françaises qui veulent exporter vers l’Algérie une «taxe Halal», évaluée à cinq millions d’euros sur une seule année et dont la destination et la gestion des fonds restent opaques et inconnues. Sur instructions de Bruno Retailleau, la mosquée de Paris, considérée comme une officine de propagande algérienne sur le sol français, est sous pression du gouvernement et des services de l’Etat pour clarifier son rôle et son mode de financement.

Ce n’est donc pas un hasard si Bruno Retailleau est devenu la bête noire du gouvernement algérien, l’homme à abattre politiquement. D’où cette campagne lancée contre lui. Mais ces attaques ne font en réalité que renforcer sa stature et lui autorisent toutes les ambitions, y compris de porter les couleurs de la droite républicaine dans la prochaine course à la présidentielle.

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