Le gouvernement, "déçu", a aussitôt annoncé faire appel auprès de la Cour suprême à Londres, et l’audience doit se dérouler mardi.
En attendant, le Parlement reste suspendu. La décision de justice "ne change rien" pour l’heure, a souligné une source gouvernementale.
Le Labour, le principal parti d’opposition, tout comme la Première ministre écossaise Nicola Sturgeon, ont réclamé que le Parlement, suspendu depuis mardi, soit rappelé "immédiatement".
Saisie par 78 parlementaires, la Cour d’appel d’Edimbourg a estimé que la décision de Boris Johnson avait "pour but d’entraver le Parlement" et a déclaré la prorogation "illégale" et "nulle et sans effet". C’est la première victoire judiciaire des opposants à cette suspension du Parlement, qualifiée de manoeuvre pour imposer un Brexit sans accord.
En première instance, la justice écossaise avait rejeté cette action intentée pour bloquer cette suspension, estimant qu’il appartenait non pas à la justice mais au "Parlement ou, en fin de compte, à l’électorat" de trancher.
"Décision politique"
C’est d’ailleurs ce même argument qu’a utilisé mercredi la Haute Cour de justice de Londres pour expliquer son refus la semaine dernière d’annuler la suspension du Parlement à la suite de l’action en justice d’une militante anti-Brexit.
La prorogation du Parlement est une décision "intrinsèquement politique" qui "ne relève pas des tribunaux" car "il n’y a pas de critères légaux pour juger de sa légitimité", a-t-elle estimé. Une audience en appel devant la Cour suprême est prévue mardi, le même jour que l’examen de la décision des juges d’appel écossais.
Ces derniers ont considéré à l’inverse qu’ils pouvaient déclarer cette suspension "illégale" car son objectif était de soustraire l’action du gouvernement au contrôle des députés, selon un résumé de la décision diffusé par la Cour d’appel d’Edimbourg.
Le Parlement britannique avait été suspendu tôt mardi pour cinq semaines dans un climat politique tendu.
"Si les membres de l’opposition au Parlement ne sont pas d’accord avec notre approche, alors il leur est toujours possible d’accepter l’offre que je leur ai faite – deux fois ! – d’avoir une élection", a argué mercredi Boris Johnson lors d’une séance de questions-réponses avec des internautes sur Facebook.
Lors de cet exercice de communication, qui a en quelque sorte remplacé mercredi la traditionnelle séance hebdomadaire des questions au Premier ministre à la Chambre des communes, M. Johnson a rejeté l’accusation selon laquelle il serait "le leader d’un régime autoritaire".
"Ce que nous essayons de faire, c’est d’appliquer le résultat du référendum de 2016", qui avait donné la victoire au camp du Brexit, et "il n’y a rien de plus démocratique" qu’une élection, a-t-il insisté.
Le gouvernement a par ailleurs refusé mercredi un pacte électoral de "non-agression" offert par le Parti du Brexit de l’europhobe Nigel Farage.
Les députés ont mis deux fois en échec ces derniers jours la proposition du dirigeant conservateur d’appeler les électeurs aux urnes le 15 octobre pour obtenir une nouvelle majorité.
"Opération Yellowhammer"
Le Premier ministre espère ainsi avoir les coudées franches avant de négocier avec l’Union européenne, avec laquelle il assure pouvoir conclure un accord sur le Brexit.
"L’atmosphère est en train de changer. Les blocs de glace se fissurent, il y a du mouvement sous la coque de ces discussions", a-t-il assuré en évoquant de "grands progrès".
Son conseiller pour l’UE, David Frost, se trouvait mercredi à Bruxelles pour des discussions avec l’équipe du négociateur européen Michel Barnier.
Comme il y était contraint par un vote du Parlement, le gouvernement a publié mercredi soir un dossier sensible qui présente, selon Downing Street, "le pire scénario" en termes de répercussions économiques et sociales d’un Brexit sans accord.
"Des protestations et contre-protestations auront lieu à travers le Royaume-Uni et pourraient absorber un nombre important de ressources policières. Il y a aussi un risque de troubles publics et de tensions communautaires", est-il écrit dans ce document qui porte le nom de code "Opération Yellowhammer".
En août, le Sunday Times avait obtenu une copie du dossier gouvernemental, assurant qu’il mentionnait les répercussions "les plus probables" d’un "no deal" et non pas "le pire scénario" comme le soutient le gouvernement.
"Vu l’incertitude et le manque de clarté sur le calendrier et la forme" que prendra le Brexit, l’Irlande prépare un budget 2020 en se basant sur l’hypothèse d’une sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne sans accord, a fait savoir son ministre des Finances Paschal Donohoe mercredi.
Un Brexit sans accord, qui rétablirait des frontières physiques entre l’Irlande, membre de l’UE, et l’Irlande du nord, province qui fait partie du Royaume-Uni, pourrait priver 55.000 Irlandais de travail et faire plonger le Produit intérieur brut (PIB) du pays de 6 %, selon des données gouvernementales.