Alain Juppé, en vrai challenger de Sarko

Il y a une indéniable et solide constante chez Nicolas Sarkozy. Depuis sa défaite à la présidentielle face à un François Hollande aidé par les circonstances et inspiré par la conjoncture, il n’a jamais abandonné l’idée de revenir. Cette foi dans son inévitable retour était basée sur une analyse à double foyer. Le premier est que Nicolas Sarkozy était convaincu que l’UMP dont il veut confier les clefs à Jean François Copé, n’allait pas être capable de créer un nouveau leader capable sinon de le faire oublier, du moins de le remplacer. Le second est sa conviction que la gouvernance de François Hollande allait échouer et désenchanter les Français.

Par Mustapha Tossa

Ironie de l’histoire, ces deux prévisions ont été réalisées au delà de toute espérance sans que cela ne renforce les chances de retour de Nicolas Sarkozy. L’UMP fut décapitée à cause de l’affaire Bygmalion et aucune personnalité n’avait réussi à s’imposer à la tête de la droite capable de croiser le fer avec le camp d’en face. François Hollande a déçu son monde. Deux sanctions électorales successives ont illustré cette déception. Il a dû se séparer de son fidèle Jean Marc Ayrault et confier le guidon de Matignon à Manuel Valls. Il lie son destin à une hypothétique relance économique doublée d’une inversion de la courbe du chômage.

Sur le papier, les conditions de retour de Nicolas Sarkozy sont réunies. Mais dans la réalité politique tout indique que pour s’imposer à sa propre famille politique, l’époux de Carla Bruni aura besoin d’une vrais guerre de tranchée où il aura à compter et à mobiliser ses amis. Il paraît clair aujourd’hui que l’affaire Bygmalion, les étincelles qui ont touché le financement de sa campagne et l’inextinguible guerre des chefs et des clans qu’elle a allumée, a complètement changé la donne.

Première conséquence de ce séisme qui a frappé l’UMP, le parti est mis sous direction collégiale animée par trois anciens Premiers ministre. François Fillon, Jean Pierre Raffarin, et Alain Juppé. Hasard du casting ou vrai dilemme politique, ces trois personnalités ont tous chacun un compte à régler avec Nicolas Sarkozy. François Fillon pour avoir été traite pendant tout un mandat de "collaborateur"’, rabaissé au rang de simple exécutant de la volonté présidentielle, Jean Pierre Raffarin pour avoir été mis à l’écart de nombreux postes clefs notamment la présidence du Sénat qui le fait toujours tant saliver, et Alain Juppé pour solder de vieux comptes issus de la cuisine encore fumante et rancunière de la chiraquie.

À l’exception de François Fillon qui affiche ouvertement son hostilité au retour de Nicolas Sarkozy, le deux autres enrobent leur antagonisme dans une épaisse langue de bois qui ne veut pas insulter l’avenir et s’épargner la capacité de nuisance de Sarkozy dans le cas où il décide de rester en dehors de la bataille UMP. Si Jean Pierre Raffarin fait immanquablement homme du passé dont il est difficile de lui confier les premiers rôles, Alain Juppé donne cette impression de rassembler autour de son nom, de sa démarche, de son style tous ceux veulent se relancer à droite.

Alain Juppé qui vient d’annoncer qu’il n’exclue pas de se présenter aux primaires de l’UMP pour être candidat à la présidentielle, est le seul concurrent sérieux de Nicolas Sarkozy. Ancien ministre du Budget, ancien ministre des affaires étrangère, ancien Premier ministre, maire d’une grande ville , Bordeaux, confortablement réélu, Alain Juppé présente le CV d’un vrai présidentiable.

Les militants de la droite auront sans doute à choisir entre un ancien président sur le retour, motivé par une volonté de revanche, encerclé par nombreuses casseroles judiciaires et un ancien Premier ministre qui a certes connu la sanction judiciaire et la traversée du désert à travers un exil au Canada mais qui a réussi à sculpter cette posture d’ascète qui tranche avec ce halo de corruption et de mauvaises affaires qui touchent la droite. Alain Juppé a une vraie carte à jouer. La grande inconnue est sa capacité à mobiliser les réseaux de la droite autour de son nom et à anesthésier les nuisances concurrentes. Il sait mieux que quiconque que la stratégie de "l’homme providentiel" concoctée par le clan Sarkozy a cessé d’opérer le moment où la justice a profondément entaché sa crédibilité.

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