"Le contexte que nous sommes en train de vivre au Sahel nous conduit aujourd’hui à regarder toutes les options stratégiques", a lancé le chef de l’État à l’issue d’un entretien avec le secrétaire général de l’Otan, Jens Stoltenberg.
Emmanuel Macron avait déjà annoncé le 12 novembre que des décisions seraient prises "dans les prochaines semaines" pour améliorer la lutte antijihadiste dans cette région en proie à une spirale de violences jihadistes et intercommunautaires.
Mais la mort de 13 militaires français lundi lors d’un accident dans une opération au Mali jette une ombre crue sur leur mission, même s’ils ont perdu la vie dans la collision accidentelle de leurs hélicoptères.
"Dans les prochaines semaines, un travail en profondeur sera demandé au gouvernement et à nos armées pour regarder les modalités de nos interventions", a déclaré le chef de l’État. "Toutes les options sont ouvertes", a-t-il martelé sans plus de précisions.
La marge de manœuvre des armées françaises, déjà fortement impliquées au Sahel avec 4.500 hommes dans cinq pays (Mali, Tchad, Niger, Burkina Faso, Mauritanie) et sur un espace grand comme l’Europe, paraît toutefois assez limitée.
"Les options concrètement, c’est quoi ? On ne change rien, on se replie, on se redéploie ou on se renforce !", résume le colonel Michel Goya, historien militaire.
Le président et le gouvernement ont toujours exclu tout retrait prématuré de la région même si la victoire sur les groupes jihadistes affiliés aux groupes État islamique (EI) ou Al-Qaïda paraît chaque jour plus éloignée.
"Les volontés de destruction de l’État et de prise en otage des populations présentent des risques majeurs, donc nous devons poursuivre", a répété mercredi le chef de la diplomatie et ancien ministre de la Défense Jean-Yves Le Drian.
Pour Christian Bouquet, chercheur au Laboratoire Les Afriques dans le monde (LAM) à Sciences-Po Bordeaux, "il est clair que si aujourd’hui Barkhane se retirait, les trois pays les plus concernés, Mali, Burkina, Niger, sombreraient dans le chaos".
– Dramatiser pour mobiliser ? –
Barkhane est la "seule force aguerrie pour résister" et pourtant "ils ne font que placer des rustines sur un chambre à air", dit-il, estimant à au moins 30 ans la durée nécessaire pour stabiliser la région.
Les moyens budgétaires contraints de la France et de ses armées compliquent aussi tout scénario de renforcement potentiel de Barkhane.
Paris entend ajouter à son action militaire une dimension politique, en exhortant les autorités locales à faire plus pour ramener la paix dans leur pays, ainsi qu’un volet de développement.
En "dramatisant" la situation, Emmanuel Macron essaie "peut-être de mobiliser un certain nombre d’acteurs (…) localement, l’État malien en particulier, de façon à ce qu’ils prennent leurs responsabilités (..) les Européens également", estime Michel Goya.
Le chef de l’État a d’ailleurs réclamé une "plus grande implication" de ses alliés de l’Otan contre "le terrorisme" dans la région. "Une véritable alliance, ce sont des actes, pas des mots", a-t-il dit.
La France espère entraîner un plus grand nombre de pays européens dans sa roue au Sahel, pas seulement pour un appui logistique (hélicoptères, avions de transport..) mais aussi avec l’envoi de forces spéciales.
Pour l’heure, l’Allemagne est présente avec quelques centaines d’hommes au Mali, mais pas sur des missions de combat, le Royaume-uni avec trois hélicoptères Chinook et l’Estonie à hauteur de 50 hommes.
Mais cette mobilisation s’annonce compliquée, au-delà des messages de solidarité à la France et des appels à renforcer une lutte qualifiée de "cruciale" pour la sécurité de l’Europe.
"Il y a ceux que le Sahel n’intéresse pas, ceux qui ont déjà participé (…) Le problème majeur des Européens, c’est que leurs armées sont non +pratiquantes+ (non rompues au combat, ndlr), à part les Français et les Britanniques", anticipe Michel Goya.