Les « gilets jaunes » défilent contre les violences policières, heurts à Paris et Bordeaux
En pleine polémique sur les LBD, plusieurs dizaines de milliers de « gilets jaunes » ont défilé samedi à travers la France pour dénoncer les violences policières, lors d’un acte 12 de nouveau marqué par des heurts, principalement à Paris et Bordeaux.
Au lendemain de la décision du Conseil d’Etat de maintenir l’usage des lanceurs de balle de défense (LBD) dans les manifestations, une "grande marche des blessés" s’est élancée vers midi à Paris deux mois et demi après le début de ce mouvement de contestation inédit.
Parties du XIIe arrondissement, plusieurs milliers de personnes ont d’abord rallié dans le calme la place de la République en milieu d’après-midi derrière un kaléidoscope de visages tuméfiés et des banderoles réclamant "l’interdiction" des grenades et des LBD. 13.800 personnes ont participé au cortège, selon le cabinet Occurrence; 10.500 selon la Préfecture de police (PP).
Le cortège, dédié aux victimes de violences policières, a réservé un accueil de rock star au "gilet jaune" Jérôme Rodrigues, gravement blessé à l’oeil droit le 26 janvier.
"Ce sont des blessures qui mutilent, qui détruisent des vies alors que nous sommes des pacifistes", a affirmé Antonio, un des organisateurs de la marche, lui-même blessé par une grenade GLI-F4.
Les premiers incidents ont éclaté en fin d’après-midi aux abords de la place de la République, où les forces de l’ordre ont commencé à faire usage de gaz lacrymogènes et de canon à eau pour maintenir à distance des manifestants qui lançaient des projectiles, selon une journaliste de l’AFP.
Les échauffourées se sont poursuivies sur la place dans un épais nuage de gaz. Trente trois manifestants ont été interpellés dans la capitale, selon la PP, dont 21 personnes étaient à ce stade en garde à vue, a indiqué le parquet de Paris.
L’un d’eux a été évacué par les pompiers après avoir été atteint au visage par un tir de LBD, a constaté un journaliste de l’AFP. Le président du syndicat lycéen UNL, Louis Boyard, a également affirmé sur Twitter avoir été victime d’un tir de LBD au pied. "Tout le pied semble cassé", écrit-il.
Autre place forte de la mobilisation, Bordeaux a été de nouveau le théâtre d’incidents en fin de manifestation, 17 personnes ont été interpellées. Visées par toute sortes de projectiles, les forces de l’ordre ont répliqué en faisant notamment usage de LBD, a constaté un journaliste de l’AFP.
Dans l’Ouest, deux policiers ont été blessés à Nantes, lors d’une manifestation émaillée d’incidents et de dégradations. Un autre policier a été blessé et quatre personnes interpellées à Morlaix (Finistère).
Des échauffourées ont éclaté entre forces de l’ordre et "gilets jaunes" dans l’Est, notamment à Strasbourg et Nancy, et 32 personnes au total ont été interpellées.
"Si moins d’incidents sont à déplorer, je condamne fermement les dégradations et violences qui ont été commises", a tweeté en soirée le ministre de l’Intérieur Christophe Castaner.
Saisi d’une demande d’interdiction du LBD, le Conseil d’Etat avait estimé vendredi que le risque de violences rendait "nécessaire de permettre aux forces de l’ordre" de pouvoir y recourir.
M. Castaner avait alors reconnu que cette arme – utilisée plus de 9.200 fois depuis le début de la contestation – pouvait "blesser" mais en a défendu l’utilisation "face aux émeutiers".
"Ça aurait pu être moi"
Ce samedi, les manifestants avaient également appelé à se mobiliser en masse à Valence, où le président Emmanuel Macron s’était rendu la semaine dernière pour le grand débat national.
Quelque 5.400 manifestants ont défilé dans une ambiance bon enfant dans la ville où des mesures de sécurité exceptionnelles avaient été prises. Selon la préfecture, 18 personnes y ont été interpellées et "une centaine d’armes blanches ou par destination" saisies.
A Toulouse, autre place forte du mouvement, plusieurs milliers de personnes ont défilé.
Des marches ont également eu lieu à Lille (1.400 personnes selon la police, 2.000 selon les organisateurs), Marseille (2.000 selon la police), Tours ou Lyon. Partout, les manifestants arboraient cache-oeil, bandages et faux sang.
A Rennes, Pascale est venue dénoncer l’usage des LBD, assurant avoir vu un jeune perdre un oeil lors "d’une manif contre la loi travail en 2016". "Ça aurait pu être moi", explique cette dame de 59 ans.
"Moi en tant que citoyenne et professeur si j’ai des réactions violentes et disproportionnées, j’en assume les responsabilités. Le gouvernement doit aussi assumer", estime Sophie, 49 ans, dans le défilé lillois.
A Morlaix, peu avant le début d’une manifestation, Claudie 56 ans, saisonnière au chômage, l’oeil bandé, confiait être là pour "une vie meilleure, vivre et non survivre".