Narjis Rerhaye: la lutte contre les fake news passe par l’éducation au numérique

« Ce n’est pas un journaliste qui décide ce que vous voyez. C’est un algorithme entraîné pour retenir votre attention. C’est tout le phénomène des bulles numériques et du microciblage qui se pose à nous », a déclaré Narjis Rerhaye, membre du Conseil supérieur de la communication audiovisuelle (CSCA), à l’occasion de la rencontre dédiée à la « Lutte contre les fake news : regards et approches croisés », organisée récemment à Rabat par le ministère de la jeunesse, de la culture et de la communication.

Exposant des chiffres clés pour comprendre l’étendue et les conséquences du phénomène, Mme Rerhaye, qui est aussi Présidente du groupe de travail « Régulation et médias numériques », a rappelé que selon Massachussetts Institut of technology, les fausses informations se propagent six fois plus vite que les vraies sur Twitter que les fake news ont 70 % plus de chances d’être retweetées.

A cela, il convient de souligner que, « selon Reuters Institure Digital News Report 59 % des internautes mondiaux disent avoir été exposés à de la désinformation en ligne en 2023 » a-t-elle ajouté.

Pour l’intervenante, si la désinformation est classée 1er risque mondial à court terme par le World Economic Forum, elle fragilise aussi bien la confiance dans les institutions que la cohésion sociale et les processus électoraux.

« Une fake news n’est pas dangereuse uniquement parce qu’elle est fausse et produit de la défiance et de la manipulation, mais aussi parce qu’elle modifie les comportements et façonne d’autres   représentations, » a affirmé la membre du CSCA,tout en précisant que la confiance dans les médias audiovisuels classiques et traditionnels est primordiale. « Quand un média traditionnel relaie une information fausse, le taux de correction lu est inférieur à 30 %. La première version, c’est-à-dire la fausse information reste la plus mémorisée. La correction existe mais la fausse information a déjà gagné la bataille de l’attention ».

Au Maroc, pays qui est exposé à la circulation et partage des fake news, des enquêtes effectuées par le HCP et l’ ANRT révèlent que WhatsApp, Youtube et Facebook sont les principales sources d’information non vérifiées pour une grande partie de la population marocaine. « Chez nous, comme ailleurs l’algorithme amplifie le faux et favorise le contenu générant de la colère et de la peur, » a relevé Mme Rerhaye tout en évoquant le fait que les plateformes privilégient l’engagement, pas la véracité.

Partout dans le monde, la lutte contre les fake news est un chemin long et difficile. Il n’y a pas de recette miracle. « La répression seule est contre-productive. L’approche purement pénale a montré ses limites parce que réactive, tardive et difficile à appliquer à l’échelle numérique sans parler du risque de perception liberticide » a dit la membre du Conseil supérieur de la communication audiovisuelle.

L’éducation au numérique est cruciale et le rôle des médias audiovisuels linéaires est important dans le cadre de la lutte contre les fake news. Dans ce sens, appel a été lancé par l’intervenante pour l’introduction à la télévision et à la radio de rubriques fixes dédiées à la déconstruction de fausses informations est une urgence.

A quelques mois du rendez-vous électoral des législatives, Narjis Rerhaye met en garde contre l’IA et les deep fakes. « Selon  Europol, l’Agence européenne de police criminelle 90 % du contenu en ligne pourrait être généré ou modifié par IA d’ici 2026 », ajoutant que les deepfakes ont augmenté de 700 % en un an dans les tentatives de fraude.

« Demain, ce ne sera plus “est-ce vrai ?”, mais “est-ce réel ?” » Et demain c’est déjà aujourd’hui » a conclu Mme Rerhaye.

 

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