Thé amer – « Pourquoi pensez-vous que c’est tout ce que veulent les femmes ? »

C’est l’histoire de femmes et de leçons à tirer. Les stéréotypes ont la vie dure. Le sexisme fait bien partie du paysage politique. Le mariage de filles mineures devrait interpeller le personnel politique même si certains confinent la femme à des rôles dits traditionnels.

Commençons par cette odeur insoutenable de sexisme et de stéréotypes toujours aussi insupportables quand il s’agit de femmes et de la moitié de la société. Cela se passe sous la coupole du Parlement en commission des Finances. La ministre des finances, l’excellente Nadia Fettah présente, explique, répond aux questions des députés. Son projet de budget est au centre de toutes les attentions.

Une jeune députée du Mouvement populaire (MP), parti de l’opposition, prend la parole. Visiblement, Soukaina Lahmouch a préparé son intervention et elle a un avis à donner sur le PLF 2026. Alors qu’elle vient tout juste de terminer sa prise de parole, une voix d’homme s’élève pour lui dire : « Que Dieu vous accorde une progéniture vertueuse. Ma prière, c’est qu’elle nous ramène un beau gosse ». L’auteur de ces phrases anthologiques n’est autre que Driss Sentissi, président du Groupe parlementaire auquel appartient la députée qui vient d’achever son intervention. La réaction de l’Argentière du Royaume est immédiate : « Pourquoi pensez-vous que c’est tout ce que veulent les femmes ? » La question qui tue et qui remet tout à l’endroit !

En plein débat sur la loi de finances, ses orientations économiques et sociales en cette année pré-électorale, voici un responsable politique, plusieurs fois élu en tant que représentant du peuple, qui entend renvoyer sa collègue en politique à des préoccupations qui seraient, selon lui, le propre de la femme : trouver un mari et enfanter.  Une manière de rappeler à la jeune députée qu’elle devrait avoir d’autres priorités, des priorités qui correspondent à son genre plutôt que de se mêler de budget, d’impôts et de taxes.

En 2025, de telles réflexions sexistes, misogynes et phallocrates sont bien prononcées au sein même de l’antre de la démocratie. Et c’est bien le problème.  Les rires gras entendus en commission parlementaire après ce détestable « que Dieu vous accorde une progéniture vertueuse…» résonnent comme un énorme décalage entre les discours monument de bonnes intentions sur l’égalité entre l’homme et la femme et la réalité.

Elles, ce sont des jeunes filles mineures. Pas encore prêtes à marier selon la loi. Mais que l’on peut marier toujours selon cette même loi. C’est bien cette dérogation livrée à l’intime conviction des juges qui donne à s’interroger.

En 2024, notre justice a autorisé 10 691 mariages de mineures. Les magistrats ont donné une suite favorable à 63% des demandes d’autorisation de mariages de mineurs. L’écrasante majorité des demandes concerne les filles. Des filles encore mineures qui contractent mariage après acceptation de la justice. Et parce que la justice a le devoir d’être juste et que la loi fait évoluer les mentalités, on se dit que ce 1,57% d’autorisations de mariages accordées aux moins de 15 ans appartiendra définitivement au musée d’une histoire passée et dépassée.

 

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