George Pell, la disgrâce d’un des plus hauts représentants de l’Eglise
Prêtre d’une paroisse rurale australienne devenu des décennies plus tard le grand argentier du Vatican, George Pell a connu une trajectoire ascendante fulgurante, avant que sa réputation ne vole en éclats, mardi, avec l’annonce de sa condamnation pour pédophilie.
Celui qui est toujours sur le papier numéro trois du Vatican a été reconnu coupable en décembre d’agression sexuelle sur deux enfants de choeur dans la sacristie de la cathédrale Saint-Patrick de Melbourne dans les années 1990.
La levée, mardi, de l’obligation de silence qui était imposée par la justice autorise désormais les médias à faire état de cette condamnation infamante.
Né en 1941, il a grandi à Ballarat, une ville de l’Etat de Victoria (sud) qui doit sa prospérité à la ruée vers l’or australienne du 19ème siècle.
Membre enthousiaste de l’équipe de débatteurs de son université, il jouait aussi les premiers rôles dans les productions théâtrales scolaires et excellait au football australien.
Sa mère, fervente catholique, fut vraisemblablement comblée, selon la presse australienne, que son fils réponde à l’appel de la religion. Son père, un anglican, ne comprit pas que l’athlétique George rejette un contrat en or avec l’une des équipes de football australien les plus en vue du pays.
C’est à Rome qu’il mène une partie de ses études religieuses avant d’être ordonné prêtre dans le diocèse de Ballarat en 1966.
Ascension rapide
Son ascension fut rapide jusqu’à être nommé archevêque de Melbourne en 1996 puis de Sydney en 2001, à l’instigation du pape Jean-Paul II. Il est inclus en 2003 dans le puissant Collège des cardinaux, siégeant aux conclaves qui élisent Benoît XVI puis François.
Il était encore archevêque de Sydney quand le pontife argentin, tout juste élu, l’a choisi en mai 2013 pour faire partie du conseil de neuf cardinaux (C9) chargés de l’aider à réformer la Curie, le gouvernement du Vatican.
Puis en février 2014, il devient secrétaire à l’Economie, véritable N.3 du Vatican, chargé d’une révolution: regrouper des services et soumettre leur gestion à des normes internationales strictes et transparentes.
Devant ses fidèles comme devant l’opinion publique, le cardinal Pell défend les valeurs traditionnelles du catholicisme. Tenant de la ligne dure sur des sujets comme l’euthanasie ou le mariage gay, il rejette aussi la science du climat ainsi que les critiques contre la politique répressive menée par l’Australie envers les demandeurs d’asile.
"Le cardinal Pell est l’un des plus grands hommes d’Eglise que l’Australie ait jamais eu", avait jugé sans détour l’ex-Premier ministre conservateur Tony Abott.
Sa réputation en a cependant pris un coup ces dernières années avec des accusations selon lesquelles il aurait couvert des abus sexuels commis par des prêtres dans l’Etat de Victoria quand il y exerçait son ministère.
Une enquête nationale portant sur les réponses institutionnelles apportées en Australie aux abus sexuels commis sur des enfants entre 1950 et 2010 a conclu que 7% des prêtres avaient été accusés d’actes pédophiles. Ces accusations n’avaient donné lieu à aucune enquête.
Descente fulgurante
Le cardinal Pell avait été entendu à plusieurs reprises par la commission d’enquête au sujet des prêtres pédophiles du diocèse de Ballarat dans les années 1970 et 1980.
Il présenta ses excuses au nom de l’Eglise mais assura n’avoir aucun souvenir de plaintes reçues pour des crimes commis par des membres de l’église.
Il reconnut néanmoins avoir "failli" dans sa gestion des prêtres pédophiles dans l’Etat de Victoria dans les années 1970. Mais il assura notamment avoir été trompé par la hiérarchie catholique sur ce qui se passait réellement à une époque de "crimes et de dissimulation".
Dans ses tentatives pour dédouaner l’Eglise, le cardinal fort en gueule multiplia cependant les déclarations maladroites: "Si un chauffeur routier prend une femme en stop et l’agresse, je ne crois pas qu’il soit juste que la société de transport soit tenue pour responsable", avait-il ainsi lancé en août 2014.
L’étoile du cardinal a cessé de briller quand aux accusations d’avoir couvert des prêtres pédophiles se sont ajoutées celles d’avoir été un agresseur, qui lui ont valu d’être condamné en décembre.
L’ancien archevêque de Sydney et Melbourne avait pris congé de ses fonctions au Vatican pour rentrer en Australie se défendre. En décembre, au lendemain de sa condamnation qui était encore couverte par le secret, le Saint-Siège avait annoncé que le cardinal quittait le cercle de proches conseillers du pape.
Désormais passible d’une peine de prison, son avenir au sein de l’Eglise est incertain.
George Pell, qui a annoncé son intention de faire appel, reste pour l’heure à la tête du secrétariat pour l’Economie, soit le troisième plus haut personnage de la hiérarchie catholique.
Cet organe avait été institué par François le 25 février 2014 pour mettre de l’ordre dans les finances du Saint-Siège. L’échéance de ce poste clé de cinq ans tombait donc ces jours-ci.