Libye: en temps de guerre, le confinement vécu comme une nouvelle épreuve

Faisant fi des mesures ordonnées par les autorités de Tripoli pour limiter la propagation du nouveau coronavirus, Hassan a pris sa voiture pour aller remplir ses bombonnes d’eau. Au loin, dans la capitale libyenne, résonnent des tirs d’artillerie, rappelant une autre menace.

Le Gouvernement d’union nationale (GNA), reconnu par l’ONU, a annoncé cette semaine un couvre-feu pendant dix jours dans les régions sous son contrôle dans l’ouest libyen. Les habitants sont seulement autorisés à sortir, à pied, entre 07h00 et 12H00 (05H00 et 10H00 GMT), notamment pour pouvoir faire leurs courses.

« Je n’ai pas le choix. Avec mes douleurs au dos, je ne peux transporter tout cela à pied », explique Hassan, en mettant ses bombonnes dans son coffre. Le quinquagénaire explique en effet que sa maison se trouve à 500 mètres de la mosquée du quartier qui dispose d’un puits.

L’approvisionnement en eau de Tripoli, qui provient de nappes aquifères du désert dans le sud, a été coupé par un groupe armé de cette région, contrôlée par le maréchal Khalifa Haftar. Cet homme fort de l’est libyen mène depuis un an une offensive meurtrière pour s’emparer de Tripoli, siège du GNA.

Exaspérés par la guerre et les pénuries, nombreux Tripolitains sont peu enclins à respecter les mesures du confinement, en vigueur depuis vendredi, prises par le GNA qui a recensé un décès et 49 cas de contamination à la maladie Covid-19 dans tout le pays.

Files d’attente

Finis les embouteillages habituels dans les rues de la capitale, mais des voitures continuent de circuler, notamment dans les banlieues où les policiers sont peu nombreux, voire totalement absents, pour veiller à l’application du confinement.

« Il n’y a presque aucun commerce autour de nous. Sans voiture, nous ne pouvons pas faire les courses, surtout acheter du gaz, du lait ou des bonbonnes d’eau (…) Seule la boulangerie est à 500 mètres », explique Abdel Alim al-Abded, qui lui aussi a décidé de prendre sa voiture.

M. Abed, sa femme et leurs trois enfants vivent dans une ferme dans la banlieue sud-est.

Avec les moutons et les poules, « ça ira pour la viande et les œufs. Pour les légumes, nous avons également ce qu’il faut à la ferme et nous en faisons profiter nos voisins », se réjouit-il.

Mais beaucoup de Libyens n’ont pas sa chance. Les mesures de confinement, avec juste quelques heures autorisées pour faire les courses, ont provoqué des files d’attente devant les commerces, propices à la propagation du virus.

A Janzour, dans la banlieue-est de la capitale, plus d’une centaine de personnes, dont des enfants, attendent devant la seule boulangerie du quartier.

Le boulanger, Jamal al-Nafati, peine à faire respecter les mesures de distanciation sociale, alors que les clients ne portent pas de masques.

« Nous essayons de préparer une plus grande quantité de pain. Mais à cause des risques pour leur santé, quatre employés nous ont déjà quittés et il ne me reste que de trois personnes pour faire tout le travail », explique M. Nafati.

« C’est difficile. J’aimerais que la boulangerie puisse rester ouverte plus longtemps pour réduire les files d’attente », dit-il.

 Amendes prévues

Si le confinement est perçu par la plupart comme une contrainte et un malheur supplémentaire en temps de guerre, c’est une aubaine pour d’autres, plus privilégiés, qui y trouvent une occasion de s’aérer, loin des embouteillages et du harcèlement des automobilistes.

Hallouma a finalement chaussé ses baskets « achetées il y a des années mais jamais portées ».

Chaperonnée par son fils « pour plus de sécurité », cette sexagénaire dit « profiter du confinement pour marcher un peu. (…) C’est une chose rare pour nous », dit-elle.

Quatre jeunes filles en survêtements colorés ont eu la même idée.

« Je ne sors jamais à pied, même pas pour acheter quelques bricoles à l’épicerie du coin », explique l’une d’elles.

« Avec le couvre-feu, nous sommes sûres de ne pas être harcelées par les hommes en voiture. Il faut en profiter », renchérit son amie, même si le klaxon d’un automobiliste leur montre que les importuns n’ont pas complètement disparu.

Constatant que les mesures de confinement n’étaient pas suffisamment bien respectées, le ministère de la Santé du GNA a rappelé samedi aux citoyens les règles à suivre, avertissant que des amendes allaient être imposées aux contrevenants.

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