Anticorps, antiviraux, chloroquine… En quête d’un traitement au Covid-19
A quand un premier traitement validé contre le coronavirus? Les premiers essais cliniques, lancés il y a quelques semaines, devraient commencer à donner des résultats « dans les prochains jours ». Et d’autres démarrent, comme à partir de ce mardi en France visant à traiter des malades avec du plasma de patients guéris.
Ce foisonnement de la recherche est tourné vers un but unique: trouver un traitement efficace face à cette maladie nouvelle contre laquelle n’existe ni vaccin ni remède.
. C’est pour quand?
Les attentes sont très fortes, d’autant que certains des traitements testés sont déjà disponibles dans d’autres indications, ce qui fait dire à certains « pourquoi attendre? »
Le timing propre à la recherche clinique a pourtant subi une accélération inédite. Avec des protocoles établis en quelques jours seulement et des autorisations pouvant être accordées en moins de 24 h par les comités d’éthique et autorités réglementaires contre habituellement « 4 à 6 mois », dixit le ministre de la Santé français Olivier Véran.
Des études, avec des dizaines de milliers de patients, ont ainsi été lancées en un temps record.
Leur conception même prend en compte l’urgence, avec la possibilité d’abandonner un traitement s’il se révèle inutile ou d’en inclure un autre s’il semble prometteur.
« On va le plus vite possible », a souligné lundi sur BFMTV Gilles Bloch, patron de l’Inserm, l’organisme chapeautant la recherche médicale en France. Si l’un des traitements testés s’avère « extrêmement efficace », il pourrait être opérationnel avant fin mai, selon lui.
En France, où le débat s’est cristallisé sur l’hydroxychloroquine promue par le Pr Didier Raoult, deux pétitions de plus de 300.000 signatures chacune demandent d’autoriser une prescription plus large de ce médicament, sans attendre la validation des études en cours.
« La pétition n’est pas un outil scientifique », rétorque Gilles Bloch.
Les essais sont indispensables pour « pouvoir tirer des conclusions pertinentes pour l’ensemble de la population », confirme à l’AFP Tabassome Simon, qui coordonne la recherche à l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP).
. Mettre les guéris à contribution
Une partie de la difficulté à juguler la pandémie vient du fait qu’elle est provoquée par un virus « émergent », contre lequel l’immense majorité de la population n’est pas immunisée.
D’où l’idée de transfuser à des malades du plasma sanguin de personnes guéries, ayant développé des anticorps.
Cela a été efficace, selon des études à petite échelle, contre d’autres maladies infectieuses comme Ebola ou le Sras.
En France, les premiers patients ont commencé mardi à donner leur plasma (la partie liquide du sang qui concentre les anticorps après une maladie).
Deux cents personnes guéries seront ainsi prélevées et 60 malades inclus dans l’essai clinique (30 recevront le plasma-convalescent et 30 un placebo), avant « une première évaluation » dans « deux à trois semaines », selon l’AP-HP, l’Inserm et l’Etablissement français du sang (EFS).
L’agence américaine du médicament, la FDA, a aussi donné son feu vert pour tester cette piste. Les prélèvements ont démarré la semaine dernière à New York.
Chaque don de plasma pourrait « sauver trois ou quatre vies », selon Eldad Hod, spécialiste des transfusions qui dirige cette expériences à l’hôpital Irving de l’université Columbia.
En Chine, des transfusions de plasma ont aussi été réalisées sur certains patients. Deux études récentes – avec peu de patients – ont souligné une amélioration de l’état clinique des patients transfusés.
. Du neuf avec du vieux?
Face à une maladie nouvelle, chercheurs et laboratoires tentent en priorité de « repositionner » des médicaments existants, pour voir s’ils peuvent agir.
Deux grandes approches sont testées contre le coronavirus: des antiviraux pour combattre directement le virus et des médicaments agissant sur le système immunitaire, pour contrôler la réaction inflammatoire de l’organisme.
En Europe, l’essai Discovery lancé le 22 mars dans sept pays vise à tester quatre traitements potentiels: l’antiviral remdesivir, l’association lopinavir/ritonavir, ces anti-rétroviraux combinés avec l’interferon beta et l’hydroxychloroquine, dérivé de l’antipaludéen chloroquine, tandis que d’autres patients recevront un placebo.
De premières observations intermédiaires sont imminentes.
« Nous donnerons des nouvelles de l’essai cette semaine », ont indiqué les Hospices Civils de Lyon (HCL), où travaille Florence Ader, l’infectiologue qui pilote l’essai.
Démarré un peu plus tard, Solidarity, grand essai coordonné par l’OMS, porte sur les mêmes traitements, avec la participation de nombreux pays, de l’Argentine à la Thaïlande.
D’autres essais ont été lancés pour évaluer l’hydroxychloroquine, notamment par les hôpitaux d’Angers et de Montpellier en France.
. Contrer l' »orage inflammatoire »
Pour contrer l' »orage inflammatoire » observé dans les formes graves de la maladie, les chercheurs testent aussi les anticorps monoclonaux sarilumab et tocilizumab, des médicaments contre la polyarthrite rhumatoïde bloquant le récepteur d’une protéine du système immunitaire.
Les anticorps monoclonaux sont créés à partir de souris génétiquement modifiées pour leur donner un système immunitaire « humanisé ». Exposées à des virus vivants ou atténués, elles produisent des anticorps humains, ensuite multipliés en laboratoire.
Développé par Sanofi et Regeneron, le sarilumab (Kevzara) a été prometteur contre Ebola. Dans le traitement du Covid-19, il est testé aux Etats-Unis et ailleurs (Allemagne, Canada, Espagne, France, Italie et Russie).
Roche a pour sa part lancé un essai de phase III portant sur le tocilizumab (Actemra ou RoActemra), en coopération avec les autorités américaines.
Le laboratoire Vir Biotechnology mène pour sa part des essais à partir d’anticorps de malades guéris du Sras, précédente épidémie de coronavirus qui avait frappé l’Asie en 2002-2003.
. Une bulle d’oxygène marin?
Pour soulager la détresse respiratoire des malades et améliorer l’oxygénation des tissus, deux hôpitaux parisiens explorent depuis samedi une piste originale: injecter une solution produite à partir de l’hémoglobine d’un ver marin, capable d’acheminer 40 fois plus d’oxygène que l’hémoglobine humaine.
Ce produit de la société bretonne Hemarina sera dans un premier temps administré à dix patients en état grave, pour vérifier sa tolérance.
« Le but est d’utiliser cette molécule comme une sorte de respirateur moléculaire avant que les patients ne basculent dans un processus lourd de réanimation », explique à l’AFP Franck Zal, patron d’Hemarina.