"Nous sommes comme ces boxeurs qui ont reçu tant de coups qu’ils sont étourdis", a admis le principal négociateur du camp antigouvernemental Julio Borges, au lendemain du coup de massue asséné par le Conseil national électoral (CNE), accusé de servir le pouvoir.
L’annonce de la date du scrutin par les autorités électorales, quelques heures après l’échec des négociations en République dominicaine entre gouvernement et opposition, est le dernier épisode d’une série de déconvenues qui ont affaibli la MUD, principale coalition des adversaires du président socialiste.
La MUD a ainsi été interdite de participation à la présidentielle par les autorités, de même que ses deux principales figures, Henrique Capriles, qui s’était déjà présenté deux fois, et Leopoldo Lopez, actuellement en résidence surveillée.
En réponse, Julio Borges a appelé son camp, fracturé par de graves divisions, à faire front uni.
La MUD, qui réunit une trentaine de partis, n’arrive pas à s’entendre sur la stratégie pour chasser Nicolas Maduro du pouvoir, une lutte qui a connu un épisode dramatique en 2017 avec quatre mois de protestations violentes qui ont fait 125 morts.
"Sans unité, nous sommes morts. Nous pouvons commettre l’erreur la plus grande du monde, mais si nous sommes unis, cette erreur peut nous permettre d’avancer. Nous pouvons avoir tous les succès du monde, mais si nous sommes divisés, ces succès ne veulent rien dire", a déclaré M. Borges dans un entretien diffusé à la radio.
L’opposition hésite encore entre participer ou non au scrutin, a-t-il expliqué.
Deux scénarios sont envisagés: "s’enfermer complètement et que les partis politiques et la société vénézuélienne" refusent d’aller aux urnes ;ou présenter un candidat unique de l’opposition afin de montrer au grand jour "toutes les irrégularités" du processus.
‘Ni libre, ni juste‘
M. Borges a ajouté que des réunions étaient prévues jeudi entre les dirigeants de la MUD, la principale coalition d’opposition, et différents représentants de la société, en vue d’analyser la marche à suivre.
Une nouvelle tournée internationale pour dénoncer la situation dans le pays pétrolier est également à l’étude.
Au pouvoir depuis 2013 et très impopulaire dans un contexte de grave crise économique, Nicolas Maduro cherche à obtenir un nouveau mandat.
Dans le scénario actuel, "c’est clairement la victoire de Maduro qui se dessine", estime la politologue Francine Jacome, "à moins que l’opposition réussisse à s’unir".
Face au risque de nouvelles divisions et devant une réélection du chef de l’Etat qui semble courue d’avance, l’analyste politique Leandro Area déconseille aux opposants de participer au scrutin. "Il ne s’agit pas de s’abstenir, mais de ne pas participer à une fraude", fait-il valoir.
D’autres experts, comme Luis Salamanca, jugent au contraire que les adversaires du président ne doivent pas lui laisser le champ libre, malgré des "conditions injustes".
"C’est sur le terrain électoral que se trouvent les principales opportunités de provoquer des (changements) politiques majeurs", souligne-t-il.
Une partie de la communauté internationale, dont l’Union européenne et la Colombie, a déjà dit qu’elle ne reconnaîtrait pas les résultats de ce scrutin, dénoncé par Washington comme n’étant "ni libre, ni juste".
Jeudi, les députés européens ont d’ailleurs réclamé que les sanctions visant le Venezuela soient étendues au président Maduro.
Par 480 voix pour, 51 contre et 70 abstentions, les eurodéputés, réunis en session plénière à Strasbourg, ont "demandé que ces sanctions soient étendues aux principaux responsables de l’aggravation de la crise politique, sociale, économique et humanitaire à savoir le président (Maduro), le vice-président (Tareck El Aissami)" et les principaux responsables militaires.
Les Etats-Unis, grand partenaire commercial du Venezuela qui lui exporte 750.000 barils par jour, ont déjà pris des sanctions individuelles contre de hauts responsables du gouvernement et interdit aux citoyens et banques américains toute transaction de dette vénézuélienne. Washington envisage de sanctionner aussi les exportations pétrolières du pays. (afp)