Pour Nicolas Sarkozy, cette année 2010 aurait été l’année de l’adieu à cette ouverture politique qui l’a tant distingué dans le monde. N’était-il pas, dans une République sclérosée par les préjugés sociaux et ou l’ascenseur politique resté verrouillé au sous-sol, l’homme qui a crevé tous les tabous. N’avait-il pas hérité d’un théâtre politique où l’Arabe, le Noir et l’Asiatique, pourtant composante essentielle de la société française et qui se distinguent dans tous les domaines de la création sauf celui de la politique. Il est celui qui avait osé confier pour la première fois le ministère de la Justice à une femme issue de l’immigration, de parents maghrébins de surcroît, Rachida Dati. Il est celui qui avait misé sur la jeune d’origine sénégalaise, inexpérimentée, Rama Yade pour la propulser au sommet de la République. Il est celui qui avait ouvert la porte du gouvernement à l’activiste de gauche, animatrice du mouvement «Ni putes ni soumises» Fadela Amara. Il est surtout celui qui avait confié l’incarnation de la parole diplomatique de la France à un symbole de la gauche humanitaire, Bernard Kouchner. Et dans sa grande générosité, il aida même Dominique Strauss-Kahn à obtenir le poste tant convoité de patron du FMI à Washington. En ouvrant les vannes de l’ouverture, Nicolas Sarkozy cherchait à atteindre deux objectifs parallèles. Le premier est de se débarrasser de cette accusation éternelle qui le poursuit comme une malédiction depuis qu’il a mis le pied à l’étrier de son ascension vers le pouvoir, d’être un chef de clan sectaire et donc dangereux. Le second objectif est de semer la zizanie dans le camp d’en face, socialiste en l’occurrence, logiquement déstabilisé par les envies de rejoindre Nicolas Sarkozy qui travaille ses «ressources humaines» comme dirait le président. L’ouverture, qui avait magnétisé l’étoile du président s’est, au fil du temps, retournée contre lui. La mauvaise performance de ces ministres d’ouverture y est pour beaucoup. Ils étaient apparemment les derniers à savoir que Nicolas Sarkozy les avait incrustés dans l’architecture gouvernementale non pas comme des acteurs actifs et créatifs mais comme des objets de décoration étincelants chargés de capter et d’émettre de la lumière. Ainsi les prestations diplomatiques de Bernard Kouchner se réduisent comme une peau de chagrin. L’ambitieux plan de la banlieue que devait piloter Fadela Amara est devenu une chimère. Rama Yade, très à l’étroit dans son costume ministériel, était contrainte d’aller au scandale médiatique pour pouvoir exister et s’exprimer. Si l’on rajoute à cette faillite généralisée la grogne et la mauvaise humeur de l’UMP dont une grande frange n’a jamais accepté cette politique d’ouverture et qui s’est tue malgré elle pour ne pas fragiliser Nicolas Sarkozy, le tableau est redevenu sombre et la fermeture inéluctable. Nicolas Sarkozy a enterré l’ouverture sans fleurs ni couronnes. Pour remercier ceux qui l’ont aidé à la mettre en musique, il tente de les placer dans des postes qui les mettent à l’abri du besoin. Rama Yade est déjà ambassadeur de France à l’UNESCO. Bernard Kouchner lorgne sur le poste récemment créé de «défenseur de droit», une sorte de grand médiateur de la République. Et Fadela Amara est pressentie pour intégrer le CSA (Conseil supérieur de l’audiovisuel).