En dépit de l’aggiornamento économique et social qu’a connu le pays, la situation sur le terrain montre le Maroc comme un homme malade, un pays qui n’a pas pu sortir d’un modèle de gouvernance marqué par des institutions consensuelles, conçues de longue main par Feu Hassan II avec des forces politiques représentant un Maroc qui fut en pronunciamiento.
Des signes de dislocation sociale ont été perceptibles et dans plusieurs villes comme Sefrou (2007), Sidi Ifni (2009) et Laayoune (2010) ; les manifestants ont rejeté massivement la politique publique défaillante en matière des subventions des produits alimentaires, d’emploi et de logement. Dans les conditions évoquées, dans la continuation des réformes qu’il a amorcées dès son intronisation et en parallèle avec le vent de fronde qui embrase le monde arabe, le Roi a annoncé le 9 mars, dans un discours qualifié de la rupture, des réformes politico-institutionnelles.
Ainsi, la mise en place de la commission ad hoc chargée de rédiger la réforme constitutionnelle a lancé le pays dans un débat global sur des sujets comme la constitution, la gouvernance et la recherche d’un mode de monarchie capable de s’adapter avec les évolutions sociologiques et politiques de la société.
Dans son discours, le monarque a exhorté la commission à faire preuve d’imagination et de créativité afin de proposer un dispositif constitutionnel pour un Maroc capable d’assumer ses responsabilités tous azimuts. Les sept fondements qui constituent l’essence de la refonte de la constitution marocaine ont suscité des interrogations sur le devenir de plusieurs articles figurant dans l’actuelle constitution. Entre autres, l’article 19 dans lequel le Roi est « le commandeur des croyants ». Il faut lire l’article sans tomber dans le travers qui mène à penser que le Roi est capable de légiférer témérairement. De fait, l’article 46 de la constitution fait savoir expressément que le parlement vote les lois tandis que l’article 52 exhorte concurremment le parlement et le Premier ministre d’être une source des initiatives de lois. Dans un monde arabe qui se métamorphose, avec une diversité ethnique qui caractérise son tissu social, le risque des crises interconfessionnelles s’avère plausible et donc, représente une vraie menace. Outre le cas de l’Egypte, où les Coptes et les musulmans sont en convulsion, et du Bahreïn avec des sunnites et des chiites en dislocation, le fanatisme exige un champ religieux bien contrôlé et ça ne peut passer qu’à travers une cohésion sociale dont l’article 19 est le socle.
La régionalisation avancée que le Maroc d’apprête à mettre en place nécessite une évolution rationnelle dans l’action politique que ce soit au niveau des prérogatives et du Roi et du Premier ministre. L’absence de la démocratie participative et la crise dans la démocratie représentative passe par la reconstruction de l’action politique.
Depuis les élections de septembre 2007, le fossé n’a cessé de s’élargir entre les partis politiques et les citoyens. Le Marocain rejette de plus en plus les nombreux partis (près d’une quarantaine), dont beaucoup sont considérés comme des entreprises individuelles par les électeurs. Une reconfiguration politique à travers la création de pôles, ferait beaucoup de bien à la vie politique nationale.
De plus, l’approche que traduira la nouvelle constitution doit tenir compte d’une situation politique régionale et internationale difficile, des effets de la crise économique et de l’absence de symbiose entre la population et des partis politiques qui ont beaucoup perdu de leur crédibilité.
A l’aune, on s’achemine donc vers une monarchie constitutionnelle moderne, dans laquelle seront accentués l’Etat de droit et la démocratie participative et représentative. La monarchie gardera une vue sur l’ensemble de l’échiquier politique.
A la lumière de ce nouveau pacte fondateur, le Maroc d’aujourd’hui a besoin d’un gouvernement fondateur et non pas d’un gouvernement de repli.
*Dr. Cherkaoui ROUDANI
Géopolitologue, spécialiste de la région Mena, auteur de plusieurs analyses sur la gouvernance et la démocratie au Maroc. Auteur de plusieurs analyses sur le terrorisme et les mouvances islamistes radicales.