La mort de Ben Laden marque-t-elle la fin d’une idéologie ?

Des forces spéciales de la marine américaine ont mené à bien une opération extrêment secrète pour en finir avec l’homme le plus recherché dans le monde. Oussama Ben Laden, chef spirituel depuis longtemps du réseau Al-Qaida, est le commanditaire de plusieurs actes terroristes dans le monde. Des attaques qui ont provoqué beaucoup de peine et ont semé la peur dans une planète en globalisation.

De l’attaque, la plus meurtrière, sur le World Trade Center, en 2001, avec 2 992 disparus et morts, en passant par Casablanca, en 2003, avec trente-trois innocents tués et près de 100 blessés dans cinq attentats suicide, jusqu’à sa tentative de faire sauter des avions cargo en Angleterre et à Dubaï, Al-Qaida, depuis son éclosion en Pakistan, n’a cessé de s’asseoir sur cette image d’une organisation invisible capable de frapper là où elle veut.

Le premier épisode de cette obscure mouvance a commencé en 1984 à Peshawar, ville située au Nord du Pakistan et à proximité des régions tribales abritant les talibans, où un certain Abdullah Yussef Azzam a mis en place les premiers fondements d’une organisation dont l’objectif est de combattre l’armée rouge de l’ex-URSS. Il fut le fondateur de la pensée djihadiste qui va être le moteur d’une organisation dirigée par l’un de ses ardents disciples qui n’est autre qu’Oussama Ben Laden. Après la fin de la guerre froide et le retrait des soviétiques de l’Afghanistan, Oussama Ben Laden n’a pas hésité à s’approprier le discours de "l’apologiste de l’islam". Ce faisant, l’organisation Al-Qaida est devenue une sorte de machine productrice d’idéologies fondamentalistes à travers des prédications centrées sur des doctrines qui font image.

Les USA ont annoncé la mort d’Oussama Ben Laden. Le chef d’un réseau terroriste qui obère le processus politique dans les conflits régionaux dans lequel s’enlisent certaines régions du monde musulman. Dans l’objectif d’affaiblir les conditions qui lui ont permis de prospérer, la résolution des conflits régionaux à l’image de celui que connaît la région du Maghreb où s’opère Al-Qaïda au Maghreb Islamique (AQMI) peut mener à son affaissement et son effondrement.

LE RÉSEAU D’AL-QAIDA DANS LES "ETATS DÉFAILLANTS"

Cependant, la mort de Ben Laden marque-t-elle la fin de l’idéologie islamiste ? Pour répondre à cette question, il est substantiel de décortiquer d’une manière systémique l’évolution du réseau d’Al-Qaida. Certainement, le monde est en pleine ébullition, les menaces qui nous guettent sont devenues interdépendantes. A l’heure où le vent de fronde embrase la majorité des pays arabe, plusieurs Etats s’érodent, d’autres sont en décomposition. Le terrorisme dans son sens général se répand au sein des "Etats défaillants" ou les facteurs d’instabilités sont perceptibles ? C’est le cas des pays du Sahel, de l’Afghanistan et du Soudan. La situation en Libye est dangereuse ; la tactique d’intervention qui s’est mise en place en s’armant les rebelles sans un contrôle au préalable rend le devenir de toute la région est quasiment apocalyptique. La présence d’Al-Qaida dans la région du Maghreb lui a permis, sans aucun doute, de tirer profits du chaos en place en se procurant des armes. Dans ce sens et dans une interview au journal italien Il Sole 24 Ore un des commandants des rebelles anti-Khadafi de la ville de Derna n’a pas hésité de dévoiler le secret de Polichinelle.

Selon le responsable des insurgés Abbdel Hakim El Assadi, "les membres d’Al-Qaida sont de bons musulmans et luttent contre l’envahisseur". Du fait que la situation s’aggrave en Libye, l’amiral américain Stavridis, commandant de l’Otan en Europe, a exprimé ses inquiétudes devant le Sénat des USA. De fait, les révélations qui ont été faites par le président du Tchad Idris Deby Itno sont fortement préoccupantes. D’après le président Tchadien, l’AQMI avait réussi le pillage des arsenaux militaires en particulier des missiles sol-air portables de type SA-7. Ce genre d’arme fait partie de l’arsenal que les moudjahidines Afghans ont utilisé contre les soviétiques pour démolir les hélicoptères évoluant à basse altitude. Les constatations sur le terrain de la Libye élucident la tactique du nébuleux réseau d’Al-Qaida qui s’opère là où le désordre règne.

Les séquestrations et les enlèvements que connaissent la vaste étendue désertique allant de la Libye en passant par l’Algérie, le Niger et la Mauritanie évoquent d’une manière claire – outre l’afghanisanisation du Sahara – une stratégie de financement des activités terroristes de cette mouvance radicale. L’enlisement de la situation que puisse connaitre la Libye renforcera les rangs de cette organisation. La mort de Ben Laden va accentuer le sentiment de la revanche auprès de ses fidèles qui lui ont fait allégeance même à distance.

La mort du chef d’Al-Qaida n’est pas le commencement de l’érosion de sa mouvance mais plutôt le commencement d’un nouveau chapitre où la partie se jouera entre la démocratie et les forces extrémistes. A l’aune, le renforcement de la démocratie ainsi que la consécration de l’Etat de droit et de justice dans l’ensemble des "pays défaillants" peut enrayer une idéologie invisible qui, il faut dire, ne peut s’éclipser facilement en dépit de l’immersion du corps de son âme inspiratrice.

Cherkaoui Roudani, géopolitologue

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