Tunisie : Ben Ali s’engage à créer 300 000 emplois entre 2011 et 2012 (Le Monde)

Le pouvoir tunisien cherche une issue à la violente crise sociale qui secoue le pays depuis mi-décembre. Confronté à une vague de révolte contre le chômage sans précédent depuis vingt-cinq ans, le président tunisien Zine El-Abidine Ben Ali s’est engagé, lundi 10 janvier, à créer 300 000 emplois entre 2011 et 2012.

Le gouvernement a par ailleurs annoncé la fermeture "jusqu’à nouvel ordre" des écoles et universités dans tout le pays. "En attendant l’aboutisssemnt des enquêtes ouvertes pour déterminer les responsabilités des actes de vandalisme commis, les examens actuellement en cours dans les universités seront suspendus et reportés à une date ultérieure", ont précisé les ministères de l’éducation et de l’enseignement supérieur. Cette décision a été prise alors qu’une manifestation de jeunes lycéens et étudiants était dispersée par les unités anti-émeute dans le centre de Tunis, où comme dans tout le pays les jeunes sont très mobilisés.

DES "ACTES TERRORISTES" SELON LE PRÉSIDENT

Dimanche, le gouvernement avait donné un signe d’ouverture aux manifestants : "Ce mouvement social est légitime", avait-il estimé dans un communiqué. "Les revendications des citoyens en faveur de l’emploi ont toute leur place."

Si les manifestations sont considérées comme légitimes par le pouvoir, le président tunisien a cependant jugé lundi que les personnes impliquées dans les affrontements meurtriers de ces derniers jours avec les forces de l’ordre sont coupables d’un "acte terroriste". "Les événements étaient violents, parfois sanglants, ont provoqué la mort de civils et blessé plusieurs membres des forces de l’ordre", a-t-il déclaré. Ils "furent l’œuvre de bandes masquées qui ont attaqué la nuit des édifices publics et même des civils à leurs domiciles lors d’un acte terroriste qu’on ne saurait taire", a-t-il ajouté lors d’un discours diffusé par la télévision publique. "A ceux qui veulent porter atteinte aux intérêts du pays, ou manipuler notre jeunesse, nous disons que la loi sera appliquée", a-t-il ajouté.

AU MOINS VINGT-TROIS MORTS

La Tunisie connaît une vague de révolte contre le chômage et la cherté de la vie depuis le 17 décembre, après le suicide d’un jeune vendeur ambulant qui s’était immolé par le feu à Sidi Bouzid, au cœur de la Tunisie. Depuis, des manifestations ont lieu tous les jours dans plusieurs villes et au moins cinq autres personnes se sont suicidées, souvent par immolation par le feu.

Selon un bilan établi par Le Monde, les affrontements du week-end entre manifestants et police ont fait au moins vingt-trois morts par balle dans les villes de Thala, Kasserine et Ragueb. Le gouvernement a quant à lui reconnu quatorze civils tués par les forces de l’ordre. De nouvelles échauffourées ont également eu lieu dans la nuit de dimanche à lundi, notamment à Jendouba, Bouarada, Chebba, Le Kef.

Les affrontements ont également repris lundi dans trois localités du centre-ouest de la Tunisie (Kasserine, Thala et Ragueb) , signe de la poursuite des émeutes. Un homme blessé dimanche par balle a succombé lors de son hospitalisation, ont indiqué des sources concordantes.

Pour le gouvernement, la police a agi en état de "légitime défense" en faisant face à des manifestants qui leur jetaient des cocktails Molotov et des projectiles. Il faut remonter aux "émeutes du pain", en 1984, du temps du président Bourguiba, qui avaient fait de très nombreuses victimes, pour trouver une situation aussi tendue et un tel recours à la force.

BRUXELLES SORT DE SON SILENCE

Ni la France ni l’Europe ne s’étaient prononcées depuis le début des émeutes en Tunisie. Une réserve dénoncée par Europe Ecologie-Les Verts (EELV) et Tunisie verte, un parti non autorisé, qui ont déploré le "silence coupable" de Bruxelles et Paris. Mais après les Etats-Unis, l’Union européenne a fini par hausser le ton lundi.

"Nous appelons à la retenue dans le recours à la force et au respect des libertés fondamentales. Nous appelons en particulier à la libération immédiate des blogueurs, journalistes, avocats et autres personnes détenues, qui manifestaient pacifiquement en Tunisie", a déclaré la porte-parole de Catherine Ashton, la chef de la diplomatie européenne. Rappelant que l’UE discutait actuellement avec la Tunisie d’un renforcement de leur relation bilatérale, la porte-parole a souligné qu’une telle perspective "requiert des engagements accrus sur tous les sujets, en particulier dans le domaine des droits de l’homme et des libertés fondamentales".

RENFORCEMENT DES RELATIONS BILATÉRALES

Depuis mai 2010 en effet, l’UE, déjà liée à la Tunisie par un accord d’association datant de 1995, négocie en vue de lui octroyer un "statut avancé", à l’instar de celui dont bénéficie déjà le Maroc. Tunis le demande depuis novembre 2008. Ce statut permet notamment d’intensifier le dialogue politique et les relations commerciales. La Tunisie bénéficie déjà d’importants financements européens dans le cadre de la politique de voisinage de l’UE.

En donnant le coup d’envoi des négociations sur le statut avancé en mai, le commissaire européen Stefan Füle avait souligné l’accord des deux parties pour dire qu’il "n’y a pas de tabous", y compris sur les questions de droits de l’homme et les libertés fondamentales. Paris, la Fédération internationale des ligues de droits de l’homme (FIDH) a réclamé lundi la suspension des négociations sur le "statut avancé", à la suite des violences.

La France est, elle aussi, prudemment sortie de son silence lundi en déplorant les violences. Un porte-parole du Quai d’Orsay a appelé "à l’apaisement".

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