Commandant en chef des armées pendant les guerres en Irak et en Afghanistan, prix Nobel de la Paix, confronté à la crise économique et à une opposition républicaine majoritaire au Sénat, Barack Obama a affronté et parfois remporté des victoires politiques majeures, mais il paraît toujours aussi mystérieux aux yeux de ses concitoyens au terme de son premier mandat.
L’un des événements les plus marquants de son mandat, la mort d’Oussama ben Laden, illustre bien la capacité du chef de l’Etat à dissimuler ses sentiments. Le 30 avril 2011, Barack Obama participait au dîner annuel des correspondants à la Maison Blanche. Apparemment détendu, il déclenchait les rires en lançant au milliardaire Donald Trump, qui envisageait de se présenter à l’investiture républicaine pour la présidentielle et venait d’éliminer un acteur de son émission de téléréalité: "C’est le genre de décision qui m’empêcherait de dormir toute la nuit. Bien joué!"
La remarque prend tout son sens a posteriori. Car à l’époque, seule une poignée de proches savaient que le président venait de donner son feu vert aux commandos de la marine (SEALs) pour prendre d’assaut la résidence de l’homme le plus recherché du monde -sans doute la décision la plus délicate de son mandat. Oussama ben Laden a été tué le 2 mai au Pakistan, presque dix ans après les attentats du 11-Septembre revendiqués par Al-Qaïda.
"Si la mission avait échoué, ç’aurait été un désastre politique", estime l’historien Robert Dallek, auteur de plusieurs livres sur les présidents américains. Barack Obama a joué au golf le lendemain matin, avant d’aller suivre en direct l’attaque depuis son bureau de la Maison Blanche. "Les quarante minutes les plus longues de ma vie", a-t-il confessé plus tard.
L’ancien chef d’état-major de l’armée de l’air, Tony McPeak l’a amicalement baptisé "No-Drama Obama" ( "Obama pas de drame") pendant la campagne présidentielle de 2008. Un surnom qui lui colle à la peau, sans doute parce que le sang-froid est une des principales caractéristiques de sa personnalité. Cet atout se transforme parfois en défaut comme lors du premier débat qui l’a opposé au candidat républicain Mitt Romney le 3 octobre dernier: Obama est apparu trop détaché, donneur de leçons, et cette distance lui a fait perdre des points dans les sondages tandis que son adversaire en gagnait. Même ses partisans trouvent qu’il reste trop calme quand une saine colère se justifierait. Il ne fend l’armure que pour apparaître comme un mari et un père exemplaire.
Sans doute faut-il regarder du cô té de son enfance et son éducation. Fils d’un économiste kényan noir et d’une Américaine blanche originaire du Kansas, il naît à Hawaï, est élevé par ses grands-parents et sa mère, et grandit en partie en Indonésie. Un parcours très éloigné du profil classique des 42 hommes qui l’ont précédé à la présidence des Etats-Unis. Mais les Américains semblaient prêts au changement puisqu’ils lui ont donné 9,5 millions de voix de plus qu’à son rival John McCain.
Son histoire alimente une polémique persistante: les "birthers", un petit nombre d’ultra-conservateurs du camp républicain, prétendent qu’il n’est pas vraiment né aux Etats-Unis et ne peut donc pas présider le pays. La publication de son acte de naissance intégral l’année dernière ne les a pas convaincus et une partie des Américains restent également persuadés que leur président est musulman, alors qu’il est protestant.
Né le 4 août 1961 à Honolulu, Barack Obama part très jeune vivre à Java avec sa mère, remariée à un géologue indonésien. Il fréquente une école laïque et publique du plus grand pays musulman du monde, avant de rentrer aux Etats-Unis. C’est à l’université, à Columbia puis à Harvard, qu’il prend conscience de sa double culture, de sa condition d’homme noir dans une société blanche. "Il se sentait comme un imposteur parce qu’il était si blanc", affirme une ancienne petite amie de fac, Genevieve Cook, témoin de ce cheminement pour s’affirmer comme un Noir.
Obama livre d’ailleurs quelques clés sur sa vie et ses motivations dans son autobiographie Dreams from My Father ( Les rêves de mon père). Premier Noir à diriger la revue de droit d’Harvard, il travaille dans un quartier défavorisé de Chicago, y rencontre sa future femme Michelle, et devient avocat en 1991. Sa carrière politique ne débute qu’en 1996 au Sénat de l’Illinois mais dès 2004, il est élu au Sénat des Etats-Unis. Il se distingue par un discours très applaudi à la Convention nationale démocrate pendant la campagne présidentielle de 2004. Quatre ans plus tard, il devient le premier président afro-américain des Etats-Unis.
Sur certaines questions qui lui tiennent à coeur, Barack Obama puise volontiers ses arguments politiques dans son histoire personnelle, citant par exemple le cas de sa mère, morte d’un cancer, pour la réforme du système de santé. S’il a réussi à faire adopter ce vaste programme en pleine récession, cela lui a coûté cher, en temps, en énergie et en capital sympathie. Il a tenté en vain de rallier les républicains à son projet et a dû s’assurer le vote de chaque sénateur démocrate, quitte à accepter tous les compromis. Lui qui voulait dépasser les querelles partisanes s’y heurte de plein fouet, particulièrement sur les questions budgétaires.
Certains adversaires l’accusent même de socialisme. Le gouvernement Obama a en effet aidé l’industrie automobile, exigé d’avantage de régulation dans la finance et, en bon démocrate, est attaché au rô le de l’Etat fédéral, mais il n’a pas mené ce que l’on qualifierait de politique de gauche en Europe.
Paradoxalement, il est plus facile de définir le président sortant par ce qu’il n’est pas. Il n’est pas un pacifiste même s’il a, à sa grande surprise, remporté le prix Nobel de la paix en 2009 alors que son pays menait deux guerres. A cette occasion, il a d’ailleurs brillé par son discours, un de ses atouts de campagne qui semble lui avoir fait défaut une fois à la Maison Blanche. Ce que reconnaît volontiers Barack Obama: "L’erreur de mon premier mandat a été de penser que le travail consistait à bien mener la politique. Mais la nature de ce poste, c’est également de raconter une histoire au peuple américain", a-t-il concédé en juin dernier lors d’une interview à CBS. (Avec AP)