Woerth sur le gril, ça chauffe pour Sarkozy
Convoqué la semaine prochaine chez les juges dans le cadre de l’affaire Bettencourt, l’ex-ministre devrait être mis en examen pour financement illégal de la présidentielle de 2007. Il est notamment soupçonné d’avoir reçu 150 000 euros de la main de Patrice de Maistre, gestionnaire de la fortune des Bettencourt.
Convoqué en tant qu’ancien trésorier de l’UMP et de la campagne de 2007, il doit être mis en examen pour «financement illicite de parti politique» et «abus de faiblesse» sur la personne de Liliane Bettencourt. Woerth devra notamment répondre aux accusations répétées de Claire Thibout, l’ancienne comptable des Bettencourt. En septembre, elle racontait ainsi un épisode de janvier 2007 : «Patrice de Maistre [alors gestionnaire de la fortune Bettencourt, ndlr] m’a demandé 150 000 euros. […] Il m’a dit que cet argent était destiné à Eric Woerth. […] J’ai indiqué à Patrice de Maistre que je ne pouvais pas lui remettre la somme qu’il me demandait, ce qui l’a énervé. Il a fini par me dire : "Donnez-moi ce que vous pouvez." J’ai donc remis 50 000 euros en espèces à madame Bettencourt, qui les lui a remis en ma présence. […] La remise d’argent s’est déroulée le lendemain, le 19 janvier.»
La mise en examen d’Eric Woerth confirme les soupçons de la justice sur la légalité du financement de la première campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy. Des soupçons d’autant plus forts que les fonds en cause auraient été tirés d’enveloppes distribuées par l’héritière de L’Oréal, longtemps préservée de la curiosité du fisc…
«Bizarroïde». Hier, à l’Elysée, on se disait «très serein». «Eric Woerth n’est pour l’instant accusé de rien. Et les comptes de la campagne 2007 ont bien été validés par la commission des comptes de campagne», affirmait un conseiller. Après une séquence délicate qui a vu François Hollande reprendre le large dans les sondages, la majorité se serait bien passée du retour de l’affaire Bettencourt.
Woerth a été au cœur de la sarkozie : d’abord en tant que trésorier de la campagne de 2007, puis en cumulant les fonctions de trésorier du parti et ministre du Budget… Hier matin, et avant que la nouvelle ne soit officialisée, il était présent au bureau politique de l’UMP, puis à la cellule riposte de la majorité. Car plus le temps passait, plus la probabilité de sa mise en examen en pleine campagne présidentielle s’éloignait. Mais les juges ont décidé de frapper à moins de quatre-vingts jours du premier tour. «Je trouve ce calendrier un peu bizarroïde», confie le député UMP Sébastien Huyghe. Un proche de Nicolas Sarkozy va plus loin : «On ne peut pas écarter l’hypothèse que certains juges souhaitent s’immiscer dans la campagne.» Quant à une incidence sur la présidentielle, personne à droite ne veut y croire. A l’UMP, un proche de Jean-François Copé assure que «ce genre d’affaires profite soit au "tous pourris", et donc à Marine Le Pen, soit à personne». Fidèle du chef de l’Etat, Brice Hortefeux abonde dans le même sens : «Pour les Français, toutes ces affaires se mélangent et ils ne comprennent plus rien. Je pense qu’ils s’en fichent. Ce ne sont pas leurs préoccupations.»
«Cartouches». Il n’empêche que le retour des enveloppes de la milliardaire risque de salement polluer ce mois de février. Dans la majorité, on espérait le mettre à profit pour vendre sur le terrain les propositions de Sarkozy – et notamment sa TVA sociale, à laquelle 63% des Français se disent toujours «opposés», selon un sondage CSA dans l’Humanité – et garder à distance la double menace Bayrou et Le Pen. Surtout, la droite espérait voir Hollande mouliner. Sébastien Huyghe : «Ça va être long, trois mois de campagne pour la gauche, vu que Hollande a déjà utilisé toutes ses cartouches.» Raison de plus pour ne pas avoir envie de lui en donner une supplémentaire.