Tunisie: Quand le politique devient une entrave à l’économique…

La révolution tunisienne était basée sur des revendications essentiellement d’ordre économique et social: travail, dignité, équilibre entre les régions, etc. Depuis, tous les avis s’accordent sur la nécessité de réformes structurelles de l’économie passant avant tout par la révision du modèle de développement dans son ensemble, mais aussi du système fiscal, de l’industrie, du mode de gouvernance notamment à l’échelle locale, etc.

Où en sommes-nous deux ans plus tard?

La situation économique est aujourd’hui préoccupante…

Les réformes structurelles, qu’il était indispensable d’entamer au lendemain des élections, tardent à être appliquées. Les indicateurs sont au rouge, avec un taux d’inflation qui atteint les 6%, une aggravation du chômage, un déficit budgétaire qui plombe les finances de l’Etat et un creusement du déficit courant. Sur le plan international, la note souveraine de la Tunisie a été dégradée à plusieurs reprises, plaçant le pays dans la catégorie des emprunteurs spéculatifs, ce qui sous-entend des conditions d’emprunts défavorables sur les marchés financiers internationaux.

La situation est d’autant plus alarmante que le climat social, politique et sécuritaire s’est également largement détérioré.La violence qui a commencé à s’installer insidieusement depuis plusieurs mois, a aujourd’hui atteint son paroxysme avec l’assassinat du militant Chokri Belaid. Depuis, le pays traverse une crise politique sans précédent. Or, la machine économique ne peut redémarrer sans visibilité, confiance et stabilité. Non seulement cette visibilité, ce climat de sécurité, de confiance et de stabilité ne sont pas au rendez-vous, mais plus encore, la volonté claire de mainmise sur toutes les institutions de l’Etat, par l’instrumentalisation de la justice et des forces de sécurité, les nominations partisanes,… conduit à un délabrement progressif des institutions publiques et entrave tout espoir de reprise économique et de transition démocratique.

La transition démocratique ne peut être assurée sans reprise économique…

Le pays est entré dans un cycle infernal pour lequel le politique influe sur l’économique et vice-versa. Or il est important de casser ce cycle pour garantir la transition démocratique.

Tant que l’activité économique ne reprend pas, pour des raisons liées à la question sécuritaire, à l’absence de visibilité politique, au déficit de confiance des opérateurs économiques nationaux et étrangers, il ne sera pas possible d’aspirer à la mise en place d’une démocratie solide et durable. L’histoire a prouvé à maintes reprises que les dictatures naissent souvent de la crise économique et de la fragilisation des institutions de l’Etat.

… et la reprise économique ne peut avoir lieu sans une feuille de route claire et des institutions solides

Le manque total de visibilité aujourd’hui sur le calendrier électoral coordonné à la montée de la violence, l’apparition de forces de sécurité parallèles, le clivage identitaire de la société, ne peuvent que contribuer à augmenter l’incertitude, fragiliser l’économie, plonger les indicateurs dans le rouge et compromettre l’éventualité de s’acheminer vers une démocratie durable et solide.

Un changement de gouvernance s’impose. Cela suppose l’annonce explicite d’une feuille de route sur l’élaboration de la Constitution, la mise en place de l’instance indépendante des élections, le code électoral et surtout la fixation d’une date pour les élections présidentielles et législatives. Il faut aussi procéder le plus rapidement possible à la formation d’un nouveau gouvernement. Sans cela, le climat social, politique et sécuritaire continuera de se détériorer et les investissements (nationaux et étrangers), l’une des principales sources de la croissance en Tunisie, tarderont à reprendre.

Aussi, pour inciter le secteur privé à investir, attirer les investissements directs étrangers, assainir le climat social, redorer l’image de la Tunisie auprès des bailleurs de fonds internationaux et engager les réformes nécessaires de l’économie, il est impératif donner des signaux forts de stabilité et de sécurité.

Asma Bouraoui Khouja
Universitaire

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