Concerts de klaxons et tirs de joie ont retenti dans tout le pays à l’annonce de la capture de celui qui fit un temps figure de réformateur, mais qui jura de combattre jusqu’au bout sur le sol libyen après le début de l’insurrection en février dernier.
Officialisant la nouvelle, Abdel Rahim al Kib, a souhaité qu’elle permette "de tourner la page de la phase révolutionnaire et marque l’entrée dans celle de l’édification d’un Etat de liberté, de droit, de justice et de transparence".
"Je tiens à assurer à notre peuple et à toutes les nations du monde que Saïf al Islam et tous ceux qui sont avec lui auront un procès équitable, avec les garanties du droit local et international – ces procédures judiciaires dont notre peuple a été privé", a-t-il déclaré lors d’une conférence de presse organisée à Zentane.
Le ministre de la Justice Mohammed al Alagy avait auparavant annoncé qu’il serait jugé dans son pays plutôt que par la Cour pénale internationale (CPI), qui l’a inculpé de crimes contre l’humanité.
Prié de dire s’il encourait la peine capitale, le ministre a répondu par l’affirmative. "C’est Kadhafi qui l’a créée", a-t-il souligné.
"Nous, Libyens, ne nous opposons pas à la présence d’observateurs internationaux pour veiller aux procédures judiciaires à l’encontre des symboles de l’ancien régime", a ajouté le ministre.
A La Haye, le procureur de la CPI Luis Moreno-Ocampo a annoncé qu’il allait se rendre en Libye dans une semaine pour évoquer le sort de Saïf al Islam. "Je vais me rendre en Libye pour parler de la façon dont nous gérerons le dossier. Mais la nouvelle, c’est que Saïf sera jugé. Où et comment, c’est ce dont nous discuterons", a-t-il dit à la presse.
DES ARMES ET DES DOLLARS SAISIS
Celui qui jurait de périr les armes à la main a été arrêté sans coup férir. Il n’a donc pas été blessé pendant l’opération, contrairement à son père qui fut tué voici près d’un mois, le 20 octobre, après avoir été capturé près de Syrte.
"Au début, il était paniqué. Il pensait que nous allions le tuer", a déclaré à Reuters l’un des hommes qui l’ont capturé, Ahmed Ammar.
Une quinzaine de combattants originaires de Zentane, circulant à bord de trois véhicules, sont intervenus sur la foi d’un renseignement faisant mention d’un fugitif de haut rang, et ont intercepté deux voitures transportant Saïf al Islam, âgé de 39 ans, et quatre autres personnes.
L’arrestation s’est déroulée vendredi à 23h30 GMT, soit 01h30 heure locale, en plein désert, à 70 km de la petite ville pétrolière d’Obari, au sud-ouest de l’oasis de Sebha.
Les combattants ont tiré en l’air et au sol pour faire stopper les véhicules suspects. Puis ils ont demandé l’identité des voyageurs. L’homme qui semblait être leur chef a répondu qu’il était "Abdelsalam" – nom qui désigne généralement un "messager de paix". Mais les combattants l’ont vite reconnu et l’ont maÂŒtrisé sans le moindre heurt.
Des armes à feu et plusieurs milliers de dollars en espèces ont été saisis à bord des véhicules des fugitifs. Selon Ahmed Ammar, Saïf al Islam se cachait sans doute depuis un certain temps dans le désert entre Bani Walid, où il avait été vu pour la dernière fois, et Obari. Il cherchait vraisemblablement à passer au Niger voisin, ont déclaré les combattants.
CAMERON DEMANDE UN PROCES EQUITABLE
Dans l’avion-cargo qui le conduisait à Zentane, Saïf al Islam, qui n’avait pas été menotté, a dit à Reuters être bien portant et a précisé que les bandages qu’il portait à trois doigts étaient dus à une blessure subie lors d’un raid de l’Otan voici un mois.
A l’arrivée de l’appareil à Zentane, le captif n’a pu descendre, à cause de la présence sur la piste d’une foule menaçante. Certains manifestants ont même tenté de monter à bord de l’avion mais ont été refoulés.
C’est à Zentane que les combattants entendent le garder prisonnier jusqu’à ce qu’ils puissent le livrer au gouvernement qui doit être formé d’ici mardi.
"Ils le garderont en paix, ils prendront soin de lui. Il sera traité avec respect, comme tout être humain. Il finira par comparaÂŒtre devant un tribunal", a assuré le Premier ministre désigné.
Les combattants de Zintane pourrait toutefois utiliser leur prisonnier comme un atout majeur dans la bataille pour le partage du pouvoir.
Premier chef de gouvernement occidental à réagir, le Premier ministre britannique a souhaité que Saïf al Islam bénéficie d’un procès équitable, conforme aux normes internationales. David Cameron a parlé d’une "victoire pour la justice internationale". L’Union européenne et la France ont invité Tripoli à coopérer avec la CPI.
"La milice qui l’a arrêté va le remettre au CNT pour qu’il soit jugé. Nous avons renouvelé notre encouragement au CNT à coopérer pleinement avec la CPI et à assurer à Saïf al Islam un procès équitable", a déclaré Bernard Valéro, porte-parole du ministère français des Affaires étrangères.
Saïf al Islam n’avait pas été vu en public depuis le 23 août dernier alors que les forces du Conseil national de transition libyen (CNT) étaient sur le point de prendre le contrôle total de la capitale, Tripoli.