Selon l’UOIF, "Ces attitudes" sont "à l’encontre de l’idée même qui fonde le CFCM" et "contredisent les accords qui ont conduit au retour de l’UOIF dans les instances dirigeantes du CFCM en janvier de cette année". Tel est le motif officiel invoqué par cette organisation, réputée proche des frères musulmans, pour justifier son retrait et demander le report des élections. Mais qu’en est-il des véritables motifs ?
L’UOIF a beau se présenter comme une fédération puissante mais sur le terrain elle ne pèse guère lourd aux côtés du Rassemblement des musulmans de France (RMF) et de la Grande mosquée de Paris (GMP) qui comptent beaucoup plus de mosquées .
Sur les 3 460 délégués inscrits sur les listes électorales, elle n’en compte que 300. Le reste est réparti entre le RMF (1700 à 1800), la GMP (800 à 900), et le Comité de coordination des musulmans turcs de France (près de 300). Des petites formations complètent le tableau.
Sans les alliances et autres accords sur des listes communes régionales, l’UOIF ne peut prétendre qu’à trois ou quatre régions. Et c’est là justement où réside le motif réel de son retrait. Car ce que l’UOIF ne dit pas, c’est qu’un accord avec la Grande mosquée de Paris a capoté. Cette dernière a catégoriquement refusé de lui céder deux régions, notamment celle de l’Île-de-France centre.
L’UOIF a vertement critiqué "l’immaturité" du projet de réforme du CFCM, qui avait instauré un "nouveau mode de gouvernance basé sur la collégialité et l’alternance" au sein du CFCM et qu’elle avait validé. Mais pour cette organisation, c’est plus la réalité des rapports de force sur le terrain qui lui fait grandement défaut.
Le Bureau éxécutif du CFCM, qui s’est réuni ce jeudi, a pris acte de ce retrait. Il invite toutefois l’UOIF à reconsidérer sa position, "en mesurant l’étendue des défis que doit relever l’instance représentative du culte musulman et en tenant compte des priorités actuelles des musulmans de France".
Mais outre l’échec de cet accord avec la GMP, l’UOIF doit gérer aussi des élections internes mouvementées afin de se doter d’un nouveau président. Ces élections sont prévues le 9 juin. Quatre candidats sont en lice pour remplacer Ahmed JABALLAH qui assurait l’intérim depuis déjà un moment. Un favori pourrait rafler la présidence, Amar Lasfar, recteur de la mosquée de Lille Sud, vice-président de l’UOIF et président du lycée Averroès de Lille. Ce dernier, dit-on, n’est pas un fervent partisan du maintien de l’UOIF au sein du CFCM.
Ce boycott va-t-il affaiblir cette élection et par conséquent le CFCM ? Il y contribue aux côtés d’autres défections. De grandes mosquées, comme celles D’Evry, de Lyon, de Saint-Etienne, de Picardie, ont annoncé à leur tour leur décision de boycotter ces élections. Ces mosquées dénoncent aussi la réforme du CFCM qui dénie à ces dernières toute velléité de pouvoir présider un jour cette instance.
Dans un communiqué, La Grande Mosquée de Saint-Etienne "condamne fermement" les pratiques partisanes des principales fédérations qui composent le CFCM et "appelle les responsables des Mosquées de France et les dirigeants des lieux de culte à ne pas cautionner cette mise en scène".
"Les élections du CFCM se tiendront à la date fixée. On ne peut obliger personne à y participer. Nous appliquons juste la reforme du CFCM qui a été validée lors de notre dernière Assemblée générale extraordinaire, le 23 février dernier, notamment par les trois fédérations GMP, RMF et UOIF", déclare à Atlasinfo un membre de cette instance qui déplore cette situation.
Aux dernières nouvelles, c’est bien le recteur de la Grande mosquée de Paris, le Dr Dalil Boubakeur, qui reprendra au nom de cette réforme les rênes du CFCM. L’avocat Chams-Eddine Hafiz avait pourtant cru la succession réglée. Mais c’était sans compter sur l’efficacité redoutable du recteur Boubakeur qui a verrouillé l’appareil pour barrer la route et anéantir les espoirs de Maître Hafiz.
Et là une question s’impose: le CFCM va-t-il se dissoudre dans la Grande mosquée de Paris pour mieux disparaître? Lors de ses deux mandats à la tête du CFCM, le recteur Boubakeur confondait allégrement ses deux casquettes, privant ainsi le CFCM d’une visibilité nécessaire à sa survie et à celle des attentes de tous les musulmans de France.
Par Hasna Daoudi