Philippe Torreton et Rachida Brakni dans une épopée sur la France des oubliés

Nouvelle création de la Comédie de Saint-Étienne, « J’ai pris mon père sur mes épaules » réunit Rachida Brakni et Philippe Torreton dans un road-movie épique donnant la parole aux oubliés: un mélodrame, jamais misérabiliste, qui résonne avec l’actualité.

C’est à partir de mardi à la Comédie, avant une tournée dans toute la France, que le public pourra applaudir cette pièce chorale librement adaptée de l’Enéide de Virgile et mise en scène par Arnaud Meunier qui l’avait commandée à son complice Fabrice Melquiot.

Dans cette épopée aux accents de western hollywoodien de près de trois heures, "on passe du rire aux larmes. Du pathétique au comique. Et la pièce fait particulièrement écho à l’actualité sociale des +gilets jaunes+. Même si elle a commencé à être écrite en 2016, après les attentats de Paris", explique à l’AFP Arnaud Meunier.

Les personnages, "des +gens de peu+, qui vivent dans une cité, sont de beaux perdants, de beaux vaincus. Il y a chez eux une vitalité désespérée", dit-il. L’un d’eux constate cependant: "On est des confettis, des confettis dans la main d’un géant qui n’en a rien à foutre".

Sur le grand plateau, un décor d’immeuble, lui-même un personnage, et huit comédiens. Une distribution brillante au service d’un texte inspiré qui mêle lyrisme et langue de la rue. "J’te kiffe, dans certaines circonstances, ça veut dire je t’aime", murmure un personnage.

Il y a le père, Roch, superbement interprété par Philippe Torreton; son fils Enée, joué par le talentueux Maurin Ollès, sorti voici trois ans de l’École de la Comédie de Saint-Étienne; Anissa, incarnée par la vibrante Rachida Brakni, héroïque interprète des trois voix de "Je crois en un seul dieu" de Stefano Massini, déjà mis en scène par Arnaud Meunier. Dans "J’ai pris mon père sur mes épaules", Anissa/Rachida Brakni lance aussi "Je suis toutes les femmes…".

Et puis d’autres comédiens, tous très justes, comme Vincent Garanger, qui est Grinch, le seul ami de Roch.

La légende dit qu’Énée a fui la cité de Troie dévastée en portant son père, aveugle et paralysé, sur son dos. Dans la pièce de Fabrice Melquiot, Énée n’a rien d’un héros mythologique. C’est un jeune d’aujourd’hui, un coeur simple, qui a décidé d’emmener son père malade mourir au Portugal. "De lui offrir une belle mort, romantique" après que Roch lui a annoncé avoir un cancer, raconte à l’AFP Philippe Torreton. "Un cancer du genou, ça fait pas très sérieux, ça fait maladie comique", sourit-il.

Pourquoi le Portugal ? Aucun n’est portugais. Mais, pour Enée, c’est "un pays de poètes et de navigateurs. Et moi, j’aurais bien aimé être poète et navigateur", avoue le fils. C’est aussi "le far-west de l’Europe". Et son père, croit-il, aime les westerns.

"Pas si far que ça", remarque Anissa, qui ajoutera plus tard, quand père et fils auront perdu leurs économies et feront le voyage à pied: "la perte était devenue leur véhicule".

"Mon personnage accepte son destin. L’important, c’est d’être bien ensemble", relève Philippe Torreton. Et "au coeur même de la tragédie, les personnages se moquent d’eux-mêmes. Ou d’autres s’en chargent. Ce qui lie cet aréopage de démunis, c’est l’amitié. Presque uniquement l’amitié", ajoute l’ex-sociétaire de la Comédie française de 53 ans, qui avait "très envie de travailler avec Arnaud. Rachida m’avait beaucoup parlé de lui".

Si on voulait "+pitcher+ la pièce d’une seule phrase, ce serait: +Comment l’amour et l’amitié permettent de survivre quand tout s’écroule autour de nous+", renchérit le metteur en scène.

"J’ai pris mon père sur mes épaules" reviendra à la Comédie de Saint-Étienne du 9 au 11 avril et se jouera dans une dizaine de villes, notamment au théâtre du Rond-Point, à Paris, du 13 février au 10 mars, au théâtre des Célestins, à Lyon, du 13 au 23 mars ou encore au théâtre du Gymnase, à Marseille, du 16 au 18 mai.

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