Le chanteur algérien Idir, grand ambassadeur de la chanson kabyle et défenseur de l’identité berbère à travers le monde, interprète du célèbre « A Vava Inouva », est mort samedi à Paris à l’âge de 70 ans, a annoncé dimanche sa famille.
« Nous avons le regret de vous annoncer le décès de notre père (à tous), Idir, le samedi 2 mai à 21h30. Repose en paix papa », indique un message publié sur la page Facebook officielle du chanteur, qui vivait en France.
Idir, qui avait été hospitalisé vendredi à Paris, a succombé à une maladie pulmonaire et devrait être enterré en région parisienne, selon des proches.
Sa mort a suscité une pluie d’hommages sur les réseaux sociaux.
Dans un tweet, le président algérien Abdelmadjid Tebboune a fait part de son « immense tristesse ». « Avec sa disparition, l’Algérie perd un de ses monuments », a-t-il dit.
« Astre kabyle »
« Tu as marqué mon enfance (…) Je n’oublierai jamais notre rencontre », a écrit sur Instagram la légende du football français Zinédine Zidane, originaire de Kabylie, région où se concentre la plus grande partie de la minorité berbérophone d’Algérie.
Sur Twitter, le chanteur français Patrick Bruel, né en Algérie et qui avait fait un duo avec Idir, a salué une « grande voix ».
« Il a su faire de nos racines de si belles récoltes, apaisées et généreuses », a tweeté l’écrivain franco-algérien Kamel Daoud.
L’Unesco a rendu hommage à « un ambassadeur éminent des cultures kabyle et berbère ».
Pour l’ancien président français François Hollande, « Idir a envoûté des générations entières au rythme de ses mélodies douces, généreuses et émouvantes ».
La maire de Paris, Anne Hidalgo, a également rendu hommage à « son engagement humaniste ».
Pour Ferhat Mehenni, célèbre chanteur exilé en France, Idir est « un astre kabyle éclairant l’immensité de l’univers ».
De son vrai nom Hamid Cheriet, Idir est né le 25 octobre 1949 à Aït Lahcène, près de Tizi-Ouzou, la grande ville de Kabylie.
Alors qu’il se destinait à être géologue, un passage en 1973 sur Radio Alger change le cours de sa vie: il remplace au pied levé la chanteuse Nouara, et sa chanson en langue berbère « A Vava Inouva », qui évoque les veillées dans les villages kabyles, fait le tour du monde pendant qu’il fait son service militaire.
« Je suis arrivé au moment où il fallait, avec les chansons qu’il fallait », racontait en 2013 à l’AFP Idir, imprégné dès son enfance par les chants qui rythmaient tous les moments de la vie quotidienne.
Il rejoint Paris en 1975 pour produire son premier album, également intitulé « A Vava Inouva ».
Il disparaît de la scène pendant dix ans, de 1981 à 1991, mais sa carrière est ensuite relancée.
A l’automne 1999, profitant de l’élan donné par ses compatriotes, les chanteurs de raï Cheb Mami et Khaled, il signe son retour discographique avec l’album « Identités », où il propose un mélange de « Chââbi », la musique populaire algéroise, et de rythmes empruntés aux genres occidentaux.
A l’image de son désir du mélange des cultures, il y chante avec des musiciens de différents horizons culturels, musicaux ou géographiques, comme Manu Chao, Dan Ar Braz, Zebda, Maxime Le Forestier ou Gnawa Diffusion, Gilles Servat, Geoffrey Oryema et l’Orchestre national de Barbès.
« Instants de grâce »
En 2007, il publie l’album « La France des couleurs », en pleine campagne pour l’élection présidentielle française marquée par des débats sur l’immigration et l’identité.
En janvier 2018, le chanteur était revenu chanter à Alger pour le nouvel an berbère « Yennayer » après une absence de 38 ans.
Idir était un ardent militant de la reconnaissance de l’identité culturelle de la Kabylie, dans un pays où les revendications liées à l’identité berbère ont été longtemps niées voire réprimées par l’Etat, construit autour de l’arabité.
Dans une interview au Journal du dimanche, en avril 2019, il avait évoqué le mouvement (« Hirak ») de manifestations populaires contre le pouvoir en Algérie, qui ont entraîné le départ du président Abdelaziz Bouteflika.
« J’ai tout aimé de ces manifestations: l’intelligence de cette jeunesse, son humour, sa détermination à rester pacifique (…) J’avoue avoir vécu ces instants de grâce depuis le 22 février (date du début du mouvement, ndlr) comme des bouffées d’oxygène. Atteint d’une fibrose pulmonaire, je sais de quoi je parle », disait-il.
« Si nous restons unis, rien ni personne ne pourra nous défaire. »