Il est vrai que cette tension subite, que cette accélération brusque de l’histoire, intervient alors que le cliquetis des armes entre Donald Trump et le régime iranien fait frissonner l’ensemble de la région, que les bruits de bottes se font de plus en plus insistants comme le montre le déclarations incendiaires en provenance de la Maison Blanche et le spectaculaire déploiement de l’arsenal américain dans la région. Dans ce contexte tendu, l’Arabie saoudite avait besoin plus que jamais de s’assurer de l’unité et du soutien arabe face à ce qui est perçu comme une menace vitale iranienne sur le sécurité de la région.
Les deux sommets se sont tenus dans une période et un lieu qui se veulent propice aux engagements historiques et aux annonces spectaculaires et la stratégie qui consistait à cibler le régime iranien comme facteur de déstabilisations, agitateur de l’activité terroriste a bien été soulignée par le pays hôte des deux sommets comme la principale ligne directrice de la diplomatie arabe. Sauf que cette presque unanimité sur le diagnostic du danger iranien est affaiblie par les divisions arabes sur de nombreuses crises régionales susceptibles de vider de leur substance les efforts des arabes de s’unir et de coordonner leurs actions.
La première crise est celle de la mise à l’écart du Qatar. Il est vrai que ce pays a été représenté par son premier ministre mais aucun indication n’est venue confirmer une prochaine éclaircie des relations entre Riyad et Doha. Sans doute la présence personnel de l’émir du Qatar Tamim aurait suscité d’avantage d’espoir. Les quatre pays qui boycott le Qatar, l’Arabie saoudite, les émirats arabes unies, le Bahreïn et l’Egypte maintiennent toujours leurs accusations cardinales contre le leadership du Qatar d’être en collusion avec des groupes terroristes et de mobiliser ses ressources pour déstabiliser ses voisins.
La seconde crise est le Yémen. La coalition internationale menée militairement par l’Arabie saoudite est lourdement impliquée dans un jeu d’échecs avec l’Iran sur le théâtre yéménite. Cette guerre dont l’objectif principale du point de vue de ses initiateurs est de restaurer la légalité du gouvernement renversé par la rébellion houthie, armée et téléguidé par le régime iranien suscite de plus en plus de réserves et de prise de distances. De nombreuse voix, au vu des désastreuses conséquences humanitaires, appellent à privilégier une solution politique plutôt que s’entêter dans une coûteuse aventure militaire.
Le troisième dossier à polémiques est ce qui est communément appelé « Le deal du siècle », le nouveau plan américain pour tenter d’apporter un règlement définitif au conflit israélo-palestinien. Face à ce qui se présentait dans le passé comme « la paix contre les territoires », solution et horizon classique pour arracher des concessions aux protagonistes de cette crise, le conseiller spécial de Donald Trump, Jared Kuchner qui a récemment visité le Maroc, la Jordanie et Israël, défend une autre option qui s’intitulerait « La paix contre la croissance économique ». Face à ce plan américain, les arabes sont profondément divisés. Entre ceux qui veulent donner sa chance à l’administration américaine de tenter de sortir de l’impasse et de mettre sur les rails un processus de paix gagnant- gagnant et ceux qui ne veulent à absolument pas en entendre parler puisqu’il passe à la trappe les droits politiques historiques des palestiniens et les transforme en populations de troisième zone de l’Etat d’Israël.
Le quatrième dossier de divisions arabes est la Libye. Dans ce pays cassé, démantelé, transformé en super marché ouvert pour les armes et en possible refuge pour les grandes organisations terroristes , la guerre par procuration fait rage. D’un côté, égyptiens, saoudiens et Emiriens soutiennent la nouvelle coqueluche de la guerre en Libye, le général Khalifa Haftar dans son ascension militaire et sa volonté affichée de nettoyer le pays des groupes terroristes armés, de l’autre côté , le Qatar aidé par la Turquie tente maintenir la tête du chef du gouvernement d’entente nationale Fayez Sarraj hors du goulot.