La police est déployée en nombre depuis le début de la matinée à Alger et interdit notamment, avec des véhicules et des policiers munis de boucliers, l’accès au parvis et aux marches de la Grande Poste, lieu symbolique pour les manifestants.
"Honte à vous policiers", crient des manifestants, selon un journaliste de l’AFP, dans une ambiance tendue, marquée par quelques bousculades mais sans heurts dans l’immédiat, un peu plus d’une heure avant le début prévu du cortège, à la fin de la grande prière musulmane hebdomadaire.
Selon des sites d’information et des internautes sur les réseaux sociaux, les policiers ont pulvérisé à la mi-journée des gaz lacrymogènes pour éloigner les manifestants essayant de forcer le passage.
Des barrages filtrants ont par ailleurs été installés par les forces de l’ordre sur certains axes routiers menant à Alger, a raconté à l’AFP Ali, commerçant venu de Bordj Menael, à 60 km à l’est de la capitale.
Un dispositif similaire a été mis en place aux entrées de Bordj Bou Arreridj, localité particulièrement mobilisée depuis le début du mouvement du 22 février, à 150 km au sud-est de la capitale, selon des médias algériens.
"Pas d’Etat militaire"
"Non aux élections" prévues le 4 juillet pour élire un successeur au président Abdelaziz Bouteflika, peut-on lire sur certaines pancartes. Après 20 ans à la tête de l’Algérie, l’ancien chef de l’Etat a été contraint de démissionner le 2 avril sous les pressions conjuguées du mouvement inédit de contestation et de l’armée.
Les manifestants réclament également à hauts cris un "Etat civil".
"Pas d’Etat militaire", martèlent-ils alors que l’armée est revenue au centre du jeu politique, après avoir contribué de façon décisive au départ du président Bouteflika, faisant de facto de son chef d’état-major, le général Ahmed Gaïd Salah, l’homme fort du pays.
"Gaïd Salah dégage !", scandent les manifestants vendredi à Alger, lui reprochant, outre son soutien durant 15 ans au président Bouteflika, son refus de toute autre sortie de crise que la présidentielle du 4 juillet, dans laquelle ils voient un moyen pour les héritiers du régime de maintenir, à la faveur de fraudes, le "système" au pouvoir.
Les manifestants demandent au préalable le départ de toutes les figures associées à M. Bouteflika, en tête desquelles le président par interim Abdelkader Bensalah et le Premier ministre Noureddine Bedoui, deux apparatchiks, mais aussi le général Gaïd Salah.
"Le mouvement populaire pacifique n’est pas près de s’essouffler" car "le pouvoir s’accroche malheureusement à l’organisation des élections le 4 juillet", a assuré, dans un entretien au site d’information TSA (Tout sur l’Algérie), Abdelouahab Fersaoui, président du Rassemblement Action Jeunesse (RAJ), une organisation citoyenne en pointe dans la contestation.
Vice-président de la Ligue algérienne de défense des droits de l’Homme (LADDH), Saïd Salhi a de son côté dénoncé une "fuite en avant" du pouvoir, qui n’a "aucune vision", "temporise et joue sur l’usure".
"Si le système maintient les élections pour le 4 juillet, cela revient à exacerber les tensions et à accentuer la crise", a-t-il expliqué à TSA.
Il a également dénoncé les récentes convocations et arrestations par la justice d’anciens responsables politiques et d’hommes d’affaires, y voyant une volonté de "dévier" le mouvement de ses revendications.
"La mise en place d’une justice indépendante ne peut avoir lieu que dans le cadre d’une nouvelle République, réellement démocratique et véritablement basée sur la séparation des pouvoirs", a assuré M. Salhi.
Jeudi, Abdelmalek Sellal, Premier ministre entre 2014 et 2017, Ahmed Ouyahia, trois fois chef du gouvernement sous M. Bouteflika –la dernière fois jusqu’en mars 2019– et plusieurs anciens responsables ont été entendus par un tribunal d’Alger, dont ils sont ressortis libres.