Jusqu’à présent, les quelque 80 heures de débats auxquels a participé le chef de l’Etat depuis le 15 janvier – et qui devaient durer deux mois -s’étaient déroulées globalement sans heurt, donnant lieu à de longs échanges sur un ton plutôt courtois et sérieux.
Mais à l’Elysée vendredi, il manquait une trentaine des quelque 200 invités au déjeuner consacré aux Hauts-de-France, dont la plupart des figures régionales de l’opposition. Ni Marine Le Pen (RN), ni Martine Aubry (PS), ni François Ruffin (LFI), ni Fabien Roussel (PCF) n’avaient pris place dans la salle des fêtes, à l’instar des parlementaires de leurs partis.
Le 14e débat a toutefois duré plus de quatre heures en présence du président de la région Xavier Bertrand (ex-LR) et de plus de 150 élus, essentiellement des maires de tous les partis, dont ceux d’Amiens, de Calais ou de Boulogne-sur-mer. Le ministre Sébastien Lecornu, coorganisateur du grand débat, a salué leur "sens républicain".
Tour à tour, les maires présents ont alerté le Président contre la fermeture des services publics, les problèmes de transport ou l’absence de médecins en milieu rural, des revendications qui reviennent en boucle depuis le début du grand débat national censé répondre à la crise des "gilets jaunes".
"On ne s’en sortira pas sans réponses économiques, sociales et fiscales", a averti Xavier Bertrand. Avant de mettre en cause, avec un ton très offensif, l’administration qui bloque l’exécution des "décisions politiques" prises par l’exécutif, donnant l’exemple du projet de canal Seine-Nord, "qui avance à la vitesse d’une péniche".
Il reste à Emmanuel Macron deux rencontres, en Bretagne mercredi puis en Corse le lendemain, pour clore le tour des régions qu’il s’était engagé à faire à la rencontre des maires. Il a justifié une nouvelle fois vendredi son choix de "prendre du temps" afin de trouver "les bonnes réponses" à la crise qui a bouleversé son agenda depuis novembre.
"Manoeuvre dilatoire"
Mais, pour les parlementaires LR des Hauts-de-France ayant boycotté le débat, ce "semblant de dialogue bien orchestré" est "une manoeuvre dilatoire destinée à faire diversion alors que le mécontentement de la population n’a jamais été aussi criant".
Fidèle à sa réputation, François Ruffin a mis en scène son refus de profiter des "nappes blanches" et des "petits fours" de l’Elysée en organisant un pique-nique sur une pelouse proche des Champs-Elysées. "Le débat dure depuis un bail, et les points de réclamation des gilets jaunes sont très clairs: la TVA à 0 % [sur les produits de première nécessité], le retour de l’ISF, le RIC et l’amnistie des gilets jaunes", a-t-il expliqué.
De leur côté, les cinq parlementaires du PCF des Hauts-de-France, le secrétaire national Fabien Roussel en tête, sont entrés à l’Elysée mais pour en ressortir quelques minutes plus tard, une fois remis leurs cahiers de doléances. "Lorsque tout le monde sera assis, Emmanuel Macron va descendre tel le marquis et puis ça va durer cinq heures", a dénoncé Fabien Roussel.
A l’issue du débat, Nicolas Lebas (UDI), président de l’Association des maires du Nord, a regretté que "plus ont attend, plus les attentes sont croissantes. Mais on peine encore à distinguer les intentions du Président".
"La seule question qui se pose, c’est: +Il va en retenir quoi, le président de la République ?+", s’est interrogé Xavier Bertrand.
Il faudra patienter jusqu’à la mi-avril pour le savoir. Mais, a prévenu M. Macron, la sortie du grand débat "va durer longtemps" et "ne se fera pas en trois annonces" car "on est en train de bâtir un nouveau projet national".
En attendant, la parole sera donnée au Parlement la semaine prochaine avant que le gouvernement ne fasse la synthèse des contributions le 8 avril avant une déclaration du Premier ministre Edouard Philippe le lendemain.
Pour le Président, le dernier débat s’annonce délicat car les nationalistes, au pouvoir à la Collectivité de Corse, ont appelé à "une demi-journée "Isula Morta" (Ile morte) jeudi "pendant le temps du pseudo-débat organisé par Emmanuel Macron".