Depuis le 1er janvier, la justice a recensé "plus de 2.000" interpellations de mineurs non accompagnés (MNA) dans la capitale, pour la plupart d’origine algérienne ou marocaine.
Leur identification est cependant compliquée par leurs déclarations fluctuantes concernant leur identité, âge et nationalité et par leur refus fréquent de donner leurs empreintes digitales, explique Aude Groualle, chef de la section des mineurs du parquet de Paris.
Selon un décompte de la mairie de Paris, ces mineurs seraient une quarantaine à errer dans le quartier populaire de la Goutte d’Or, dans le nord de la capitale. D’autres squattent dans un arrondissement voisin ou dans la proche banlieue.
La visibilité de ces jeunes délinquants s’est accrue depuis 2016. D’abord auteurs de vols à la tire, souvent violents, dans Paris, ils ont peu à peu migré vers la périphérie et sont passés aux cambriolages.
"Ils ont compris que la violence était contre-productive", explique Paul-José Valette, chef de la Sûreté départementale des Yvelines, l’un des départements de la région les plus touchés par cette délinquance (à l’ouest de Paris). Pour un délit commis sans violence, un mineur sera moins réprimé et sortira plus rapidement des radars des autorités, souligne le commissaire.
Dans son département, depuis janvier, une soixantaine de vols par effraction impliquant des MNA ont été recensés en zone police, visant notamment des pharmacies. Même phénomène en zone gendarmerie où une vingtaine de mineurs, âgés de 9 à 16 ans, ont été interpellés.
Dans le Val-d’Oise (au nord des Yvelines), sur les huit premiers mois de l’année, le nombre de ces cambriolages a aussi "pratiquement triplé" comparé à la même période en 2018, selon une source policière.
Aucune statistique n’est disponible à l’échelon régional.
Législation "inadaptée"
Le modus operandi ne varie guère : ils arrivent souvent en bande dans une commune desservie par le réseau ferré, ciblent des commerces proches de la gare, ou des maisons ou véhicules aux propriétaires absents.
Ils fracturent les rideaux de fer des commerces, font main basse sur les espèces, souvent des sommes dérisoires, et repartent quand ils ne sont pas arrêtés en flagrant délit.
"Ils ne sont pas discrets", note une source policière. "Ils savent qu’ils ne risquent rien, la législation est totalement inadaptée."
S’ils sont arrêtés, ils sont remis au parquet des mineurs qui statue sur leur sort. Les moins de 16 ans ne peuvent être placés en détention provisoire ; ils sont remis à l’Aide sociale à l’enfance qui les place en foyer ou à l’hôtel. Mais ils fuguent souvent au bout de quelques heures.
Si certains pharmaciens victimes de ces méfaits se montrent philosophes, d’autres ne cachent pas être "agacés" : "C’est notre outil de travail et eux, en toute impunité, ils viennent et se servent !", déplore Frédérique Sarran dont l’officine à Chaville, au sud-ouest de Paris, a été visitée deux fois cet été.
Dans les pharmacies, les MNA ne volent que rarement des médicaments ou ceux classés comme stupéfiants, constatent plusieurs enquêteurs. Pourtant, affirme Nordine Djoulaït, éducateur de la Protection judiciaire de la jeunesse, "la plupart sont drogués, surtout au Rivotril", un antiépileptique.
De manière générale, ils sont en mauvaise santé, "très abîmés", constate-t-il. Beaucoup se disent orphelins et parlent de "leurs angoisses" mais ils ne "nous donnent pas les moyens de les aider", déplore l’éducateur.
A Paris, c’est "un gros sujet", relève Dominique Versini, adjointe en charge de l’Exclusion à la mairie selon laquelle "ils refusent toute prise en charge".
Le parquet des mineurs corrobore: "Ils n’adhèrent généralement pas aux mesures de protection et d’assistance éducative", selon Mme Groualle.
"Afflux massif"
Impossible de savoir comment ils sont arrivés en France. Le président Emmanuel Macron a récemment évoqué des "réseaux", des "gens qui manipulent" lors d’une réunion avec des ministres et des parlementaires.
Mais à Paris, les investigations n’ont pour l’heure "pas permis d’établir" l’existence de réseaux de traite d’êtres humains, précise Aude Groualle. Un "afflux massif" est noté "depuis janvier" mais il est, a priori, lié au "contexte politique et économique" des pays d’origine, ajoute-t-elle.
Les MNA étant inexpulsables jusqu’à leur majorité, seul un retour volontaire dans leur pays pourrait être envisagé. Mais ils ne sont "pas demandeurs", note la magistrate.
"La gestion de ce phénomène ne peut se faire qu’en collaboration avec les pays dont ils sont originaires, mais c’est compliqué", concède le commissaire Paul-José Valette.