La position d’Alger à l’égard de la crise libyenne reflète « frilosité, myopie et amateurisme »
L’entrée à Tripoli des rebelles libyens signe, certes, la fin du régime du colonel Mouammar Kadhafi, mais ouvre également la voie à une nouvelle ligne de politique étrangère libyenne qui prendra en considération les positions des différents pays vis-à-vis du soulèvement du 17 février et du Conseil national de transition (CNT) qui représente la nouvelle légitimité dans ce pays ravagé par plus de six mois d’affrontements armés.
Au moment où le régime Kadhafi touche à sa fin, les éditorialistes et commentateurs algériens ne manquent pas de souligner "la position inconfortable" des autorités de leur pays et de tirer la sonnette d’alarme sur l’isolement d’Alger sur le plan régional.
Le site web "TSA" (Tout sur l’Algérie) indique, en ce sens, qu’après la chute de Tripoli "la position algérienne sur la Libye suscite de nouvelles critiques. Alger n’a toujours pas reconnu le CNT, ni appelé au départ de Mouamar Kadhafi, et elle ne s’est toujours pas exprimée publiquement sur la situation". "Comme le montre l’image du drapeau du CNT hissé sur le toit de l’ambassade de Libye à Alger, l’Algérie semble subir les événements", poursuit TSA, rappelant que "depuis le début de la révolte contre le régime de Kadhafi, les relations entre l’Algérie et le CNT sont tendues". "A plusieurs reprises, les rebelles ont accusé l’Algérie de soutenir militairement le régime de Kadhafi, et le CNT a même porté plainte contre l’Algérie auprès de la Ligue arabe", note TSA.
Abordant la position officielle d’Alger, le site souligne que pour la première fois depuis l’entrée des rebelles dans la capitale libyenne, une source au ministère des Affaires étrangères a bien voulu expliquer la position algérienne, rejetant les critiques émises et réfutant "un quelconque embarras dans la position d’Alger".
La position algérienne est d’autant plus ratée qu’Alger "est doublement concerné par le dossier libyen, affirme le site, soulignant que jusqu’à lundi soir, les autorités algériennes n’avaient toujours pas réagi aux événements et "semblent même les subir, comme en témoigne cette décision des diplomates libyens de hisser le drapeau du CNT sur leur ambassade à Alger".
L’Algérie ne reconnaît pas officiellement le CNT, mais accueille sur son sol une ambassade qui le représente, relève la même source.
La reconnaissance du CNT en tant que représentant légitime du peuple libyen aurait permis à l’Algérie " d’éviter d’avoir à nos frontières de l’Est un gouvernement avec lequel nous allons avoir des relations encore plus difficiles que celles que nous entretenons avec l’autre voisin, le Maroc, pour des raisons différentes", poursuit TSA affirmant que l’Algérie est "désormais seule au sein de la Ligue Arabe", ce qui constitue "le début d’un isolement diplomatique et régional qui pourrait avoir de lourdes conséquences".
Le journal "El Watan" s’inquiète, pour sa part, de la position algérienne à l’égard de ce qui se passe en Libye et constate que "dans ce Maghreb qui se dessine une nouvelle voie, l’Algérie semble avoir raté le train du changement. Si la démocratie trouvera son ancrage dans les pays voisins, le pouvoir d’Alger se trouvera bien seul dans un ensemble qui tendra à construire un avenir autre que celui dessiné par les anciens dictateurs".
Sous le titre : +alors qu’un nouveau Maghreb se construit, l’Algérie à contre-courant+, le journal souligne que "l’Algérie n’est pas une exception". "Avec des voisins résolument engagés sur le chemin de l’ouverture, Alger reste fermée, mais pour combien de temps?", s’interroge l’auteur de l’article.
Dans ce sillage, le quotidien "Le Jeune Indépendant" commentant l’attaque de l’ambassade d’Algérie à Tripoli, souligne qu’"Alger réagit à ce raid fraternel en saisissant les Nations unies et non pas le Conseil national de transition qui passe pour commander officiellement aux assaillants".
Pour sa part, le quotidien "La Tribune" qui s’interroge sur les conséquences sur l’Algérie des changements en cours en Libye, estime que le CNT qui "n’a aucun mérite dans la chute du colonel et de son gouvernement", est composé dans son "écrasante majorité" d’islamistes qui n’ont pas hésité "à vendre des armes lourdes et sophistiquées au GSPC" (groupes armés algériens).
Cette vision douteuse quant aux perspectives politique des nouveaux dirigeants libyen, conjuguée à la position reflétant l’amateurisme de la diplomatie d’Alger, préludent à une zone de turbulences qui affectera, sans nul doute, les relations Alger-Tripoli et enfoncera encore plus l’Algérie dans le creuset de l’obstination qui consacre de plus en plus l’échec de sa politique.