Le décès du «Guide» va, en revanche, priver le nouveau pouvoir d’une occasion d’asseoir symboliquement sa légitimité en mettant en place une structure judiciaire démocratique. Le procès de Saddam Hussein, en Irak, avait joué ce rôle et avait même été reconnu, même si les conditions de son exécution étaient contestées.
Le dossier Libye est explosif
Le décès du «Guide» libyen à Syrte est aussi une bonne nouvelle pour de nombreux Etats occidentaux et leurs multinationales qui avaient renoué contacts diplomatiques et échanges commerciaux avec Kadhafi depuis une décennie et le retour du pays sur la scène internationale. Grâce à la lutte proclamée contre al-Qaida, la Libye kadhafiste est parvenue à sortir de son isolement au début des années 2000 et les multinationles occidentales y ont signé des dizaines de contrats. Ils étaient le plus souvent liés à la reconstruction du pays et de ses infrastructures pétrolières. Le groupe italien ENI, le français Total ou le britannique BP ont ainsi profité de la fin de l’isolement libyen sur la scène internationale. Et il est probable que l’imprévisible Kadhafi n’aurait pas hésité à se servir de son procès comme d’une tribune médiatique. Il aurait pu faire des révélations explosives sur les coulisses de certaines négociations.
La polémique sur la vente de matériel d’interception massive par Amesys, une filiale de Bull, pour surveiller l’internet de la population libyenne montre bien que le dossier Libye est explosif pour de nombreuses sociétés et de nombreux Etats. Reste que pour Frédéric Encel, «Kadhafi n’aurait pas déstabilisé les démocraties occidentales. Car il n’aurait sans doute pas été pris au sérieux avec son côté théâtral et ubuesque. Rappelons-nous le procès de Sadam Hussein : le dictateur a dit beaucoup de choses sur les commissions et rétro-commissions mais au final, tout le monde s’en fichait et les différents acteurs ont aussitôt repris la voie du pragmatisme, voire du cynisme».