«L’islam de France a besoin d’une voix unitaire»
INTERVIEW – Dimanche, le Conseil français du culte musulman élit ses représentants nationaux sur fond de crise interne. Mohammed Moussaoui, son actuel président, devrait être reconduit dans ses fonctions.
Près de 3700 délégués ont participé aux élections du 5 juin. Ce qui fait un taux de participation de près de 75% par rapport aux élections de 2008. Je prends acte de la critique de la Mosquée de Paris, qui estime que ce scrutin ne représente pas la «totalité» de l’islam de France, mais je souligne que cette forte participation, malgré l’absence de deux fédérations, confirme largement la légitimité de ces élections. Des mosquées affiliées à la Fédération de la grande mosquée de Paris ont formé des listes, en Languedoc-Roussillon et en Provence-Alpes-Côte d’Azur. En Auvergne également, où elles ont participé à une liste commune à d’autres fédérations. Plusieurs régions se sont en effet accordées sur ce type de liste pour répondre à une volonté partagée de travailler ensemble.
Vous auriez pu reporter ces élections ?
La tenue des élections n’était pas une option mais un impératif, compte tenu des statuts du CFCM. Au lieu d’un report qui poserait des problèmes juridiques, j’ai proposé la mise en œuvre, dès lundi, d’une «coordination» qui va permettre de continuer le travail de réforme engagé depuis 2008. L’idée est de travailler sur des objectifs très précis en privilégiant la représentation collégiale. Une fois un accord trouvé sur la réforme du CFCM, il serait possible de convoquer de nouvelles élections avant la fin de ce nouveau mandat de trois ans.
Le retour à l’unité est-il possible ?
La nécessité et le maintien du Conseil français du culte musulman sont l’objet d’un consensus pour l’ensemble des musulmans de France et des pouvoirs publics. L’islam de France a besoin d’une voix unitaire sur le plan national et régional. Nous n’avons pas d’autre choix que de trouver un compromis pour consolider le CFCM et nous assurer qu’il soit représentatif. Quant au climat, il est franc mais pas si dégradé que cela. Nous venons d’ailleurs de trouver, cette semaine, un accord pour que la Mosquée de Paris participe via les personnalités statutairement désignées au nouveau bureau exécutif du CFCM. Et nous gardons également espoir pour que l’UOIF fasse autant dans les mois à venir.
Briguez-vous un second mandat ?
Oui, je suis candidat au titre du Rassemblement des musulmans de France, comme l’a décidé son conseil d’administration à l’unanimité. Dimanche, je présenterai une liste dans laquelle je vois la présence de toutes les composantes de l’islam de France.
L’État s’implique pour aider le CFCM à sortir de cette crise. Est-ce son rôle ?
Parlons de «crise de croissance», car le noyau du problème n’est pas un désaccord de fond entre musulmans. Ils n’ont pas de divergences entre courants religieux ou sur les questions liées au culte. Les clivages se forment pour donner une juste représentation à chaque composante de cet islam pluriel et issu de différentes nationalités. Ce qui est un phénomène naturel dans cette phase de construction. Pour l’avenir, je suis très confiant, car ces problèmes de frontières, entre fédérations, vont s’atténuer.
Cette intervention ne vous gêne pas ?
Les pouvoirs publics, le ministère de l’Intérieur mais aussi les autres instances nationales ou régionales concernées par la gestion des dossiers concrets de l’islam attendent un conseil où siègent les différentes sensibilités de l’islam de France. D’un côté, ils respectent les règles d’une association loi de 1901, qui régissent le CFCM. De l’autre, quand il le faut, ils peuvent jouer un rôle d’arbitre pour nous aider à trouver un accord. Dès lundi, effectivement, nous allons mettre en œuvre cette «coordination» pour réformer le CFCM. Toutes les fédérations ont annoncé vouloir participer à ce processus. Dans cette période de difficulté, le soutien des pouvoirs publics pour trouver un consensus et une entente entre les fédérations, me paraît légitime.