Joe Biden, le vieux lion démocrate

La troisième tentative fut la bonne: Joe Biden, qui deviendra officiellement jeudi, à 77 ans, le candidat démocrate à la Maison Blanche, est un vieux routier de la politique américaine.

Connu pour son large sourire, une dignité dans l’adversité qui force l’admiration, mais aussi ses innombrables gaffes, Joe Biden devra, dans la dernière ligne droite, démontrer sa pugnacité et sa combativité face à Donald Trump.

Après avoir échoué en 1988 et 2008, puis hésité en 2016, l’ancien vice-président de Barack Obama porte enfin les couleurs de son parti lors d’un scrutin présidentiel.

Celui qui a débuté sa carrière politique au Sénat il y a près d’un demi-siècle – et connaît le fonctionnement de Washington sur le bout des doigts – défie le milliardaire républicain, catapulté au pouvoir il y a quatre ans sans jamais avoir été élu auparavant.

Les drames personnels qu’il a traversés ont façonné cet homme au ton chaleureux, volontiers nostalgique. Ses douleurs et ses doutes, qu’il n’hésite pas à partager en public sur le ton de la confidence, font partie intégrante de son parcours politique.

Se présentant en rassembleur, ce « lion de l’histoire américaine », selon les termes de Barack Obama, martèle sans relâche depuis son entrée en lice, en avril 2019, qu’il battra Donald Trump « à plate couture ».

A la faveur d’une campagne inédite, paralysée par la pandémie de Covid-19, le démocrate a pris l’avantage sur le tempétueux président en se contentant de quelques rares apparitions et en promettant aux Américains une présidence apaisée.

Mais rien n’est gagné dans une folle année électorale et les deux mois et demi de campagne jusqu’au 3 novembre s’annoncent extraordinairement agressifs.

Retour spectaculaire

Ses trois premières cuisantes défaites dans les primaires avaient semé le doute. Mais grâce à la Caroline du Sud, Joe Biden a signé au printemps l’un des retours les plus spectaculaires de l’histoire politique américaine.

Il peut s’enorgueillir d’avoir ensuite rapidement rassemblé la famille démocrate, ce que n’avait pas réussi à faire Hillary Clinton en 2016.

Il a également démontré qu’il pouvait aussi bien convaincre les électeurs démocrates noirs que des ouvriers et des femmes. Or ces trois groupes ont joué un rôle clé dans la victoire de Donald Trump en 2016, certains en s’abstenant, d’autres en décidant de tourner le dos aux démocrates.

En choisissant comme colistière la sénatrice Kamala Harris, plutôt centriste, Joe Biden a marqué l’histoire américaine avec la première candidate noire et d’origine indienne à la vice-présidence.

Les républicains, Donald Trump en tête, assaillent déjà « Joe l’endormi », l’accusant de s’être caché pendant le confinement, de manquer de discernement, d’être une marionnette aux mains de la « gauche radicale », voire, de plus en plus explicitement, d’être sénile.

Si les démocrates rejettent ces attaques comme autant de tentatives éhontées de démobiliser les électeurs indécis, les digressions, gaffes et réponses parfois particulièrement agressives de Joe Biden inquiètent dans son propre camp.

Comme si la moindre remise en question, même sans malice, poussait le septuagénaire à s’emporter. Un danger à l’orée de trois longs débats avec Donald Trump.

L’entrée de son fils Hunter au conseil d’administration d’une compagnie gazière ukrainienne lorsqu’il était vice-président de Barack Obama pourrait aussi revenir hanter sa campagne.

Il risque enfin d’être de nouveau confronté à des interrogations sur son approche « tactile ».

S’il a assuré être « désolé d’avoir envahi » l’espace de femmes gênées par ses marques d’affection, il a aussi fermement défendu sa proximité avec les électeurs, et rejeté les accusations d’une agression sexuelle dans les années 1990.

 « Le mari de Jill Biden »

Fier de ses origines, Joseph Robinette Biden Jr. est né le 20 novembre 1942 dans la ville ouvrière de Scranton, en Pennsylvanie. Son père était vendeur de voitures.

Un mois seulement après avoir décroché son premier mandat de sénateur dans l’Etat du Delaware, en 1972, à tout juste 30 ans, il perd sa femme Neilia et leur petite fille Naomi dans un accident de voiture.

Joe Biden décide de prendre quand même ses fonctions à Washington, tout en s’occupant de ses deux fils blessés, Beau et Hunter.

Il se remarie en 1977 à Jill. Cette enseignante est depuis des décennies un visage familier dans le paysage politique, rendu célèbre par ses huit ans passées aux côtés des Obama à la Maison Blanche.

« Je m’appelle Joe Biden et je suis le mari de Jill Biden », aime à plaisanter le candidat sur les estrades de campagne.

Jill Biden avait interrompu sa carrière après avoir accouché de leur fille, Ashley, en 1981, mais a ensuite repris des études pour décrocher un doctorat en éducation. Elle enseigne toujours dans une université.

Un nouveau drame a frappé l’ancien sénateur en 2015, quand son aîné Beau, devenu procureur général du Delaware, fut emporté par un cancer au cerveau.

Pour devenir le 46e président de l’histoire des Etats-Unis, Joe Biden pourra s’appuyer sur une image solidement ancrée, reflétée dans les sondages, d’homme « digne de confiance ».

En prononçant, en juin 2015, l’éloge funèbre de son fils Beau Biden, Barack Obama exprimait, à sa manière, ce sentiment.

Après avoir évoqué, la voix brisée, la fin tragique de ce fils, il avait rendu un hommage appuyé, dans une tonalité rare chez lui, à son vice-président.

« Joe, tu es mon frère. Chaque jour, je suis admiratif de ton grand coeur, de ta grandeur d’âme et de tes épaules si larges ».

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